L'histoire :
2010 en Tunisie. Le pays est dirigé de main de fer par le président Zine El Alabidine Ben Ali. Etouffé par une dictature forte et puissante, le peuple gronde et souffre de la pauvreté et de la répression. Certains jeunes vont alors lancer le mouvement de rébellion et appeler au soulèvement. Un évènement banal va mettre le feu aux poudres : le jeune Mohamed est durement puni par la police pour vente illégale de légumes au marché. Il reçoit même une gifle d’une policière qui le blesse dans son orgueil. Ecœuré et n’ayant plus aucun moyen pour survivre, Mohamed s’immole devant le gouvernorat. Malgré la censure et la terreur policière, son frère Foued et de nombreux jeunes vont utiliser les réseaux sociaux pour rassembler les contestataires. Dans un climat de guerre civile, le président Ben Ali est de plus en plus menacé…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Voici le récit historico-politique du premier soulèvement populaire du nord de l’Afrique contre la dictature et la misère, qu’on appelle désormais le « printemps arabe ». La collection KSTR (la branche plus « rock’n roll » de Casterman) propose ce témoignage d’un évènement d’actualité très contemporain, car à peine deux ans après les faits. On assiste ici à une description détaillée de tous les mécanismes qui ont amené à la révolte tunisienne. Par la petite histoire de jeunes sans histoires, on entre petit à petit dans la grande Histoire et le soulèvement collectif de tout le pays. Admirablement illustré par le dessinateur roumain Alex Talamba, la reconstitution historique est prenante et très réaliste. Les visages ciselés et le jeu d’ombres et de lumières renforce la tension du récit, où l’on sent que tout est prêt à exploser d’une minute à l’autre. A la fois moderne et sobre, le graphisme de Talamba est une belle découverte : par son style, la bande dessinée oscille entre reconstitution historique et le polar. Le scénario, en revanche, est assez simple et se contente d’enchaîner les faits dans l’ordre chronologique. Même si cet album a le mérite de parler d’un pays méconnu, on pourra regretter le ton adopté. En effet, l’évènement est récent et le scénariste Eric Borg (créateur de la revue gratuite Zoo) prend peu de distance par rapport à la politique. Sans ambages, il donne son point de vue et n’hésite pas à prendre partie en faveur des révolutionnaires, quitte à déformer la réalité historique (notamment cette fameuse claque donnée ou non par la policière). Ce manque de distance est gênant, quand on connaît peu la situation du pays, sans compter que les dialogues fictifs sont parfois très suggestifs (cf. la conversation téléphonique entre Alliot Marie et Ben Ali). Heureusement, Borg atténue son propos en rajoutant plusieurs pages d’annexe, qui détaillent la vie réelle des protagonistes et commentent les choix opérés. Il n’empêche que le manichéisme simpliste dérange dans un récit qui se veut historique.
