L'histoire :
Un singe tente de se suicider, inlassablement, par overdose de lecture. Car c’est bien connu, aux grands mots, les grands remèdes ! Mais loin de disparaître, l’homme a muté en singe…Etait-il devenu un singe ou l’avait-il toujours été ? Peu importe, le résultat est là : il a réussi un suicide raté. Désormais homo litteratus, l’homme voit ses envies, ses désirs et ses besoins transformés, son horizon philosophique métamorphosé. Etrangement, il ressemble pourtant à un être humain tout à fait normal. Doué de parole, l’homme est devenu un être hybride révélant un comportement de primate associé à l’exercice d’une intelligence humaine. Croisement entre Einstein et Frankenstein, il est désormais Franky Stein, un objet de curiosité suscitant à la fois fascination et dégoût, amour et rejet, sorte de provocateur adoré des médias. Mais sa popularité grandissante est proportionnelle à la haine qu’il suscite. Car personnage inclassable, ses prises de parole publiques dérangent et bousculent l’ordre établi, celui de la finance, de la science et de la religion. Peu à peu, il va devenir l’ennemi à abattre, une menace qu’il faut supprimer… Et si les hommes n’étaient que des singes évolués ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si l’idée de Denis Petit est astucieuse et même accrocheuse sur les 20 premières pages – singer l’humain de façon grotesque ou comique pour le tourner en dérision et lui tendre le miroir de sa propre bestialité – elle finit toutefois par lasser, faute d’un traitement plus iconoclaste. Le scénario aborde des problématiques classiques du positivisme ou du Siècle des Lumières, la raison contre la foi, la science contre l’obscurantisme religieux, la théorie de l’évolution contre le créationnisme... Mais il trahit souvent une approche bien trop binaire, sinon artificielle, avec le sentiment que le potentiel du pitch aurait pu être exploité encore davantage. C’est bien dommage, car l’ensemble se révèle décalé et malin... mais scolaire et ronronnant, d’autant que le propos n’est finalement pas toujours limpide ou lisible. Les trop nombreuses références philosophico-littéraires, nourritures terrestres inattendues de notre singe malicieux, ont par ailleurs tendance à masquer l’absence d’une vraie réflexion sur le genre humain. Question graphisme, le trait de Humphrey Vidal est tout à fait honnête techniquement. Maîtrisé là encore, il peine pourtant à séduire en raison d’une mise en couleur souvent fade et bien monocorde. Symbole de subversion, ce singe iconoclaste qu’il faut comprendre comme « un révélateur des limites de ce que tous les publics sont prêts à entendre » (que les hommes descendent du singe par exemple !), ennuie à la longue. Même si la parabole sur le racisme et la différence mérite le coup d’œil par son parti-pris cérébral plein d'ironie. En tout cas cet ouvrage ne laisse pas indifférent, qu'on aime ou pas. Et si l’humanité était de retour à l’animalité ?