L'histoire :
Une apocalypse nucléaire a ravagé l’humanité, transformé les villes en champs de cendres, provoqué des tsunamis, généré des nuages toxiques. Les survivants ont survécu en se spécialisant dans des métiers pointus et en obéissant à une hiérarchie stricte. L’objectif de l’empire absolutiste qui régit ce monde : construire des tours gigantesques, vertigineuses, qui puissent un jour dépasser le voile noir qui recouvre le monde. Elles sont au nombre de 13, elles avancent par blocs de 5 étages appelés « poussées » et elles sont en compétition les unes avec les autres. A chaque palier, des passerelles sont jetées entre les tours et une pause est offerte aux ouvriers. C’est le moment de festoyer avec des mets délicieux, mais aussi de se reproduire pour la main-d’œuvre future, à l’aide de saillies sur des génitrices soumises. Au sein de cette organisation implacable, Ugo est chef de chantier. Ce vétéran ouvrier expérimenté a appris à se méfier des rafales de vent meurtrières et des oiseaux de proie géants. Il a aussi appris à ne pas s’émouvoir de la perte régulière de ses camarades de chantier, emportés par des chutes accidentelles ou exécutés pour défaillance impardonnable envers « la poussée »…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette BD en one-shot est adaptée par Lloyd Chéry d’après la nouvelle de l’écrivain Emmanuel Delporte. A l’instar du Transperceneige – un train futuriste qui ne doit jamais s’arrêter de rouler – l'interminable construction des tours dans Vertigéo est devenue la raison d’être, le but ultime de la civilisation humaine dans un avenir post-apocalyptique dystopique. Cette édification tyrannique et interminable des tours est une variation du mythe de Sisyphe et de l’absurdité de la condition humaine. Ses aspects irréalistes (d’où viennent les matériaux ?) réclament que nous l’acceptions plus en tant que métaphore, que comme un futur probable. Passée l’introduction qui donne le contexte, le récit se découpe en chapitres, quasi autonomes, qui explorent chacun une dimension de cette édification forcenée : les tempêtes mortelles, le Chambellan despotique, les attaques des volatiles monstrueux, la cruauté des punitions… Un contremaître ouvrier, Ugo, sert de fil rouge et de héros à l’ensemble. Au terme des révélations de ce puzzle narratif, comme dans la plupart des récits d’anticipation, Ugo sera « l’élu », celui qui sortira de la caverne de Platon, qui révélera la vérité aux yeux des lecteurs, pour un final de 10 pages en couleurs – la colorisation est assurée par Elvire de Cock. Auparavant, les grandes planches encrées régulièrement vertigineuses d’Amaury Bündgen restent en noir-gris-blanc et font la part-belle à l’environnement d’un gratte-ciel en chantier, avec ses poutrelles pleines de vide sur les côtés, ses profondeurs attirantes, ses passerelles trop étroites, ses câbles menaçants et ses camarades à trognes/masques patibulaires.