L'histoire :
Tribunal de Paris, octobre 1934. Une jeune femme apprêtée, toute de noir vêtue, attend patiemment sur un banc. Elle s’appelle Violette Nozière… Quartier Latin, mars 1933. Violette Nozière rejoint des amis dans un café. Elle apprend à l’une de ses copines, qu’elle vient de sortir de l’hôpital Bichat. Le docteur Déron lui a appris qu’elle avait la syphilis, un cadeau de Pierre, son petit ami. Heureusement, le docteur Déron lui a promis de ne rien dire à ses parents, chez qui elle habite. Le soir, pourtant, quand elle rentre, sa mère lui passe un sacré savon, alors que son père laisse passer l’orage. Sa fille syphilitique, c’est une honte pour la famille. Elle va passer pour quoi ? Une Marie-couche-toi-là ? Violette entretient une relation ambiguë avec ses parents. D'un côté, elle les déteste pour ce qu’ils sont : des petites gens, sans ambition. Elle n’hésite pas à dire à son entourage que son père est ingénieur, que sa mère est première Dame chez Paquin, un grand couturier de l’époque. De l’autre côté, elle aime ses parents. Elle promet à sa mère de rentrer dans le rang et d’arrêter de fricoter avec les hommes qu’elle rencontre. Le 25 mars au soir, pour se venger, elle administre à ses parents quelques cachets de Soménal, un puissant somnifère. Elle déclenche un feu grâce à un court-circuit. Les pompiers interviennent et sauvent tout le monde. Un premier avertissement sans frais…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans une France coloniale des années 30, empêtrée dans la récession, les crises politiques et les scandales, l’affaire Violette Nozière déchaîna les passions. Elle dépassa le simple fait divers et entraîna une dérive médiatique sans précédent en conjuguant crime, sexe, émancipation féminine et immoralité. À l’époque, les surréalistes prirent sa défense, d’André Breton à Salvador Dali, en passant par René Magritte et Alberto Giacometti. Violette inspira aussi Claude Chabrol dans un film éponyme (1978), mettant en scène une femme libre qui se dresse contre une société bourgeoise bien-pensante. Une telle histoire ne pouvait qu’être adaptée en bandes dessinées. Eddy Simon à la baguette scénaristique s’attache à nous dépeindre un portrait sans concession de Violette, une femme mythomane qui cherche à vivre sa vie loin des carcans moraux de l’époque. C’est une croqueuse d’hommes rattrapée par ses mensonges. Les textes de Simon sont simples et direct. Ils font mouche à tel point qu'on se laisse emporter par l’histoire. Libre à chacun de se faire une opinion sur cette funeste histoire. Le trait délicat et les couleurs douces de Camille Benyama offrent une certaine poésie au personnage, qui se moque du qu'en-dira-t-on, entre candeur et cruauté. La planche 24 résume Violette. Une étreinte dans un champ de blé, un papillon qui virevolte de case en case. Un chat attrape l’insecte, le dévore sous les yeux de Violette... Assurément, l’un des bonnes surprises de ce début d’année 2014.