L'histoire :
La Villa Marlier à Berlin est en effervescence, ce 19 janvier 1942. Alors que l’on prépare les chambres de Reinhard Heydrich et d’Adolf Eichmann, les personnels de restauration reçoivent les meilleurs crus français pour satisfaire les papilles de quinze des plus hauts dignitaires du troisième Reich. Pendant que les responsables déjà présents évoquent les offensives stagnantes aux portes de Moscou, le fraîchement promu général Heydrich fait atterrir son monoplan personnel aux abords du manoir. C’est lui qui va mener cette conférence secrète qui va tragiquement changer le cours de l’histoire. A l’ordre du jour : la solution finale, qui vise l’épuration raciale par l’extinction de l’ensemble des peuples juifs. Dans la grisaille hivernale, les langues couvertes d’ignominie vont peu à peu se délier pour s’orienter vers un commun accord. Il sera bien orchestré par le SS-Obergruppenführer Heydrich qui se montre pour le moins imperturbable dans l’atrocité de ses desseins.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il fallait bien du courage pour relater cette sinistre réunion. Et on ne pourra pas reprocher à Fabrice Le Henanff de l’avoir eu. Nous avons là un récit ultra documenté qui permet de faire émerger, dans le fond et dans la forme, une tension extrême où des hommes sont confrontés à leur propre lâcheté. Wannsee est un instantané. Le cliché du basculement de l’idéologie dans tout ce qu’elle a de plus dégueulasse vers la programmation des actes que l’on connaît. Heydrich est un chien enragé, vide de toute forme de lucidité, qui va contaminer ses quatorze acolytes par sa simple prestance. Cette rage contenue est palpable dans les dialogues recréés par Le Henanff, qui se débrident crescendo. De la même manière, le travail graphique de l’auteur dans un camaïeu de gris fait la part-belle à l’angoisse et à l’abject. Les dessins crayonnés, hachurés, triturés, sont, à l’image de ceux proposés dans Ostfront et Westfront, absolument adaptés à la lourdeur, la précision et la gravité des contenus. On regrettera toutefois – mais cela n’est plus une surprise avec le dessinateur – le calquage intempestif des portraits des protagonistes sur des images d’archives (merci à l’oracle Google). Mais, on le sait, les monstres sont toujours difficiles à imaginer…
