L'histoire :
Le 7 janvier 2015, deux frères islamistes pénètrent au siège parisien du journal satirique Charlie hebdo et font un carnage à la kalash : 12 morts. Ils considèrent ainsi « venger » le prophète Mahomet, dont les caricatures ont été publiées au sein de Charlie Hebdo. Les frères Kouachi seront abattus deux jours plus tard, lors de leur fuite, à Dammartin-en-Goële. Le lendemain, un troisième fou fait encore une victime dans un hypermarché casher, porte de Vincennes. Amedy Coulibaly sera lui aussi abattu par les hommes du RAID. Cinq ans plus tard, le 2 septembre 2020, débute un procès monstre, celui des complices et des fournisseurs d’armes de ces terroristes. 14 personnes (dont trois en fuite) sont accusées d’avoir prêté assistance à ces fous imprégnés de l’idéologie de Daesh. Historique de par son ampleur, relayé en direct par de nombreux médias, ce procès durera deux mois et demi et se tient dans une cour d’assise spéciale. L’écrivain Yannick Haenel et le dessinateur François Boucq l’ont relayé chaque jour par une chronique sur le site de Charlie Hebdo…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On a sans doute tout écrit et tout dit au sujet des attentats de janvier 2015. Suffisamment, en tout cas, concernant les immondes individus qui ont perpétré ces crimes abjects et idiots. Et pourtant jamais assez, au regard de la Mémoire. Ces dessinateurs, ces journalistes et ces policiers, soldats de la liberté malgré eux, ont avant tout été assassinés par la bêtise. Maigre consolation, mais corolaire légal de leur martyr, ils ont bénéficié d’un procès à l’automne 2020, en pleine crise pandémique de covid-19. Les mots de ce procès complexe ont été chaque jour relayés sur le web pour le compte de Charlie Hebdo par l’écrivain Yannick Haenel. C’est ce journal chronologique que compile cet ouvrage illustré. En témoin avisé, Haenel décrit et retranscrit au plus juste les débats, les avocats alternant lyrisme et questions, les accusés alternant diversement désarroi, bassesses, aveux, regrets, ou compassion. Et tantôt des coups de théâtres sont aussi venus essayer de perturber l’audience (la décapitation de Samuel Paty, l’interruption d’un mois pour cause de covid chez un accusé). En complément visuel des articles quotidiens, et afin de satisfaire au difficile exercice de la caricature judiciaire, il fallait un artiste réaliste… et rapide. François Boucq est sans aucun doute l’un des tous meilleurs qui réunisse ces deux compétences. D’autant qu’à travers d’autres paradigmes artistiques, plus parodiques et nonsensiques, l’auteur de Jérôme Moucherot participe lui aussi de la caricature. Dessiner le procès de meurtriers de dessinateurs, voilà sans doute une manière logique et légitime de boucler la boucle. Pour autant, dessiner des protagonistes (qu’il s’agisse de témoins, d’accusés, de magistrats, ou d’avocats) qui portent des masques 98% du temps, cela limite grandement l’évocation de l’émotion. La crise pandémique a indéniablement conditionné l’exercice de la justice (et du dessin !), qui se devait néanmoins de passer. Cet exercice graphique impossible, François Boucq l’a toutefois accepté, et plutôt réussi, même si le rendu est ici extrêmement réduit à un interminable catalogue de quidams masqués, sans grand intérêt artistique. On l’aura compris, cet ouvrage de plus de 200 pages, qui n’a rien à voir avec une bande dessinée, n’a pas vocation à laisser une trace artistique, mais bien de partager au plus grand nombre l’aboutissement judiciaire d’un ignominieux crime de masse de notre histoire moderne.