L'histoire :
Kusama est une artiste avant-gardiste mondialement connue. Cadette d’une fratrie de quatre enfants, dans une famille japonaise aux traditions bien encrées, elle grandit dans les années 1920. Ses parents ne cautionnent pas l’art et ils sont très strictes : ils lui en interdisent toute forme. Après une enfance brimée sous le signe du matriarcat, elle s’enfuit loin de chez elle, sans le sous, pour assouvir sa passion pour l’art à New York. Elle vit alors dans un appartement insalubre et elle a souvent faim. Mais qu’importe, elle est enfin libre de faire ce qu’elle aime depuis toujours : peindre et dessiner. Elle prend des cours et voit ses œuvres exposées. Son succès est en route et son talent (enfin) reconnu. Kusama souffre depuis l’enfance d’hallucinations. Ses visions deviennent son inspiration et vont avec sa créativité. Elle est obsédée par les pois, et va en faire sa griffe, son style. Dès qu’elle le peut, elle impose ce graphisme, sur sa garde robe ou sur ses œuvres, toutes plus excentriques les unes que les autres. Dans les années 70, elle deviendra une icone du style hippie. Kusama a toujours eu conscience de son état psychologique, ses fragilités qui lui ont ouvert la voie de la créativité. Ses sculptures, son art vivant aspirent la provocation et revendiquent une idéologie qui tourne autour de la liberté du corps, par l’esprit et le désir. Elle défend ses idées avec ferveur et interpelle l’opinion publique en s’entourant de communautés qu’elle associe à ses œuvres, provoquant ainsi parfois l’intervention de la police. Or malgré son succès, elle reste la risée de sa famille et son pays natal la juge scandaleuse. Pourtant, elle revient à Tokyo en 1975, après avoir passé 20 ans aux Etat Unis. Deux ans après son retour, elle demande à être internée dans un établissement spécialisé pour l’aider à gérer ses troubles mentaux. Elle continue de créer mais son art devient plus sombre, à l’image de ses pensées. Elle tombe dans l’oubli. Il ne lui reste que son art. Mais la roue va (re)tourner...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après Le goût de la papaye en 2019, Elisa Marccellari signe son deuxième roman graphique. Cette seconde biographie (son premier one-shot racontait la vie de son oncle) puise cette fois son inspiration dans la visite d’un musée à Madrid exposant des œuvres de Yayoi Kusama. Marccellari dépeint la vie de cette artiste qui a su imposer son art et dont les travaux subsistent et captivent encore aujourd’hui. Kusama a une fragilité psychologique, comme d’autres artistes à succès. Elle est de ceux qui ont su faire de ses maux une force et un génie. Son art explose dans les années 70, au moment où la liberté d’expression est essentiellement transcrite par le corps, le désir et l’assouvissement des envies. Kusama associe le sexe libre à la paix. Aujourd’hui âgée de 91 ans, Kusama fascine toujours autant par son pop art et ses nombreuses collaborations avec des grands noms de la mode. Pour illustrer son ouvrage, Marccellari utilise un graphisme coloré, version pop art, avec des traits droits et précis qui s’inspirent du style manga. Une lecture ludique et une belle preuve de persévérance pour une artiste poi-tilleuse !