L'histoire :
Maître Voutch, par le téléphone alerté, décrochait pour en faire usage. Le ministère de l’Education Nationale, par le talent alléché, lui tint à peu près ce langage : « Et bonjour, Monsieur du Voutch. Que vous êtes joli ! Que vous dessinez beau ! Sans mentir, si votre crayonnage est libre et disposé, on vous engage : vous êtes enrôlé pour illustrer les contes de la Fontaine, ma foi ». À ces mots, le Voutch ne se sentit pas de joie ; et pour montrer ô combien cette proposition le troua, il éclaircit sa voix, et annonça que ça ne se refusa pas. Le Ministère s'en saisit, et dit : « Mon bon Monsieur, apprenez que nos dessinateurs sont libres de tailler leur route. Cet accord vaut bien un album, sans doute ». Le Voutch galvanisé et ému, jura, sans racontar, qu'il s’appliquerait on ne peut plus.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ça n’est certes pas la première fois que les fables de la Fontaine se retrouvent illustrées. Jadis, Grandville, Gustave Doré, Benjamin Rabier et même René Hausman sont passés par là… Mais c’est la première fois qu’elles le sont par Voutch, dessinateur de BD au style rough, d’ordinaire cantonné à un registre graphique très lâché et narratif « social » / rural. Or la ruralité n’est pas vraiment absente de l’œuvre de Jean de la Fontaine, bien au contraire ! L’auteur explique d’ailleurs son engouement immédiat pour cette proposition en préface. Evidemment, en dehors de cette préface, qui explique comment ce travail lui est tombé dans le bec, ainsi que son approche graphique d’une matière aussi universelle, les fables sont publiées telles qu’on les connait, en marge d’une illustration en couleur. Le prisme de l’interprétation graphique est cela dit sage, très sage ! Voutch n’a pas cherché l’humour, ni le décalage contemporain anthropomorphe. De sa palette graphique numérique, il illustre ces leçons de morales rimées, au plus proche de la nature et du respect des espèces incarnées. Seuls les humains bénéficient de son style gros nez – et après tout, ils le méritent bien. Le respect de l’œuvre a primé, et à défaut de se démarquer par une version très originale, c’est tout à son honneur. Seul parti-pris personnel : Voutch a sélectionné les 30 fables ici réunies, en fonction de… celles qui lui plaisaient le plus (sur 249 au total, il était sans doute nécessaire de faire un choix). Les plus célèbres y sont… (Le corbeau et le renard, La cigale et la fourmi, Le lièvre et la tortue…), mais on note l’absence notable de La laitière et le pot au lait, Les animaux malades de la peste, Le chêne et le roseau. Ce sera peut-être pour un prochain recueil…
