L'histoire :
2019. Ludovic Debeurme monte dans un arbre et s’affaire à couper une grosse branche, ce que lui déconseille sa femme. Celui-ci se remémore alors son enfance à jouer dans le jardin de cette maison familiale, située dans la baie de Somme, car le temps n’est pas à la joie. Cet entretien de la maison intervient en effet alors que le papa de l’auteur, souffrant d’une cirrhose, nécessite des soins. Ludovic a toujours été fasciné par ce père artiste qui, malgré son addiction à l’alcool, l’a aussi initié au jazz manouche, lui le Gadjo jouant désormais de la guitare dans un groupe, « à la Django ». Un peu plus tard c’est sa maman qui est diagnostiquée d’un cancer, et dont il va falloir accompagner le départ inattendu. Une femme courageuse, à la vie écorchée, mais pleine d’engagements et de poésie. Tout cela interroge, questionne. La nature retrouvée, après des années à vive à Paris, apporte quelques éléments de réponses et un peu de réconfort, tout comme la venue du premier enfant du couple. Rien ne sera néanmoins désormais comme avant…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ludovic Debeurme nous ravit avec des romans graphiques étranges et au fantastique poétique depuis maintenant vingt ans. Que ce soit en noir et blanc ou en couleur, on apprécie à coup sûr son trait empreint à la fois de classicisme et ses rondeurs déguingandées laissant transparaître les univers fortement oniriques des récits. Après une trilogie abordant les thèmes du réchauffement climatique, de nos rapports à l'autre et à la Terre, dans Epiphania, c'est à un cataclysme que l'auteur a été soumis, non seulement par le biais de l'épisode mondial de l'épidémie COVID 19, remettant en cause l'inspiration de nombreux artistes, mais surtout la fin de vie de sa mère, et celle son père, plus prévisible, mais néanmoins difficile à vivre. Le tout s’est ponctué de travaux dans la maison familiale en Baie de Somme, où l'auteur nous dévoile sa relation à la nature et à l'artisanat. La ligne, quête de son père dessinateur ne rechignant pas aux travaux, peut être un lien entre les deux. Tout cela est ponctué par la naissance de sa fille et par le déménagement de sa nouvelle petite famille, de Paris vers l’Armorique, dans une vieille maison de style. Jamais Ludovic Debeurme ne s'est autant livré ouvertement. Les nombreux flashbacks nous permettent de mieux comprendre son attachement à la musique et au jazz Manouche en particulier, tout comme l'héritage culturel de ses parents, où le dessin à toujours tenu un rôle prépondérant. Ce dernier nous apparaît cela-dit moins poussé qu'auparavant, davantage jeté, comme dans un carnet intime que l'auteur a choisi de nous faire partager. Si le dessin est jeté, les mots le sont aussi, circulant en volutes sur le papier, au grès des courants d'émotions, mais avec une sincérité et une force provoquant à coup sûr l'émotion. Des mots que l'on n'avait pas l'habitude de lire dans les histoires fictionnelles précédentes, des mots en droite ligne vers le cœur. L'essence d'un bon roman, les cendres de ses parents, et l'écume de la baie pour dire la vie retrouvée.
