L'histoire :
Le jazz, ses héros, ses inconnus et son esprit vivent en l'âme de chaque passionné. De Miles Davis à Chet Baker, de Charlie Mingus à Buddy Bolden. Blutch en idolâtre certains, raille les préjugés des détracteurs sur cette « musique d'esthète ». Muse ou maîtresse, elle inspire ses hérauts bientôt relégués au rang de fantômes discrets ou hissés au pinacle de la gloire éphémère. Vision personnelle d'une passion, histoire amoureuse d'une complexité métissée autant qu'histoire d'un rapport au monde, Total Jazz narre sur un mode presque improvisé et forcément interactif la passion que Blutch nourrit pour ces héros, reconnus ou anonymes, et les notes bleues. Au rythme d'un swing plein de vitalité. Un public clairsemé, un héritage pesant, un festival pas en forme, il est alors temps d'en finir avec le jazz et de baisser le rideau, histoire de toucher une vérité abstraite pourtant bien réelle. Battling Mingus !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avant de faire son cinéma (Pour en finir avec le cinéma), Blutch avait déjà crié à la face du monde son amour du jazz et de ses héros : Chet Baker, Charlie Mingus, Buddy Bolden, Duke Ellington... C'était en 2004 au Seuil. Cornélius réédite l'ouvrage en y ajoutant des planches inédites, souvent muettes. L'auteur adopte un discours toujours aussi polymorphe, entre humour, nostalgie, poésie, fantasmes et rêves, les souvenirs se mêlant à une mémoire reformulée, n'hésitant pas à la fin à poser un regard critique d'autant plus sincère que sa passion pour le jazz semble infinie. Ici, Blutch à la fois inquiet et versatile, railleur et rêveur, amoureux aussi, se met en scène en mélomane enthousiaste et souligne ce que le jazz produit chez ceux qui l'écoutent, le vivent ou l'habitent, ceux qui font corps avec lui ou en font une question de survie. Et au bout, la douce illusion de l'immortalité et la drôlerie d'une anecdote. Blutch lui rend hommage tout en en livrant une histoire personnelle. Si bien que les pages, élégamment dissonantes, vibrent sous son crayon dansant plein de swing, jouent la sensualité chantante parfois douce-amère. Le mouvement, porté alors par un doux soupçon d'étrangeté, traversant le livre et ses note bleues. Résultat : la musique revit sous nos yeux, son rythme et son âme resurgissent au détour d'un concert ou d'un tourne-disque. Moins une histoire du jazz que l'hommage passionné d'un anonyme, Total Jazz parle de la vie et de son rythme, la pulsation qui unit l'être au monde. Inutile d'être fan de jazz pour apprécier l'objet, encore une fois très soigné. Il suffit de se laisser porter par la virtuosité d'un trait aérien et gras, gribouillé ou charbonneux, et d'embrasser la vision touchante d'un auteur décidément indispensable au 9ème art. Total Blutch !