L'histoire :
Des paysages, des sportifs, des guerriers antiques, des statues géantes, outrageusement neuves ou en ruine, des figurations qui brouillent malicieusement les rapports de proportions, des chemins hallucinants du « bout du monde »… Et des femmes, des centaines de femmes, dévisagées, en buste, en pied, en train de prendre la pose, majoritairement dénudées, tantôt indécentes, avec des drapés ou bodypaintées, arborant parfois des tenues antiques, historiquement datées ou a contrario d’un futur lointain et débridé, parfois les deux entremêlés. Des hommages à Moebius, à Klimt, à Eischer, à Clérambault…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
D’après le témoignage en préface de son épouse, André Juillard dessine depuis toujours. En cours de philo, ou en fac de médecine, qui lui apprit des bases de l’anatomie, il couvrait déjà des feuilles et des feuilles de dessins, aujourd’hui disparus. Cet épais recueil de ses Carnets secrets, réunions de plusieurs carnets remplis en diverses circonstances, forme un bel ouvrage d’art comme il en émane régulièrement des plus grands artistes. Celui-ci ne se concentre néanmoins que sur les 17 dernières années. Il en résulte tout de même un merveilleux catalogue de 412 pages, et encore plus d’esquisses abouties ou juste griffonnées, que l’auteur commente parfois, et qu’il remet généralement dans son contexte, par un lieu et une date. Pour les choix de ses sujets, André Juillard avoue qu’il est soumis au papier. Qu’il s’agisse de fonds blancs, ivoire ou colorés, de papier lisse, kraft ou velin, c’est son grain, sa qualité, sa teinte, qui décident de la technique employée. Or les techniques, Juillard semble toutes les maîtriser. Le crayonné avec un bête crayon à mine fusain ont cependant largement sa préférence. Mais le mot important issu du titre de ce recueil, c’est « secrets ». Car à l’instar d’autres monstres comme Manara ou Serpieri, Juillard aime dessiner les femmes nues, adoptant des poses majoritairement classiques, plus rarement indécentes. Très honnête, la couverture n’en fait paradoxalement pas secret. En préambule, l’artiste s’interroge sur les raisons qui le poussent à figurer de manière relativement objective. C’est parce qu’il « éprouve le besoin irrésistible de témoigner de la séduction de ce qu’il voit… J’assume sereinement cet asservissement à la réalité. ». Un superbe ouvrage, bien que lourd et épais, à réserver aux amateurs.