L'histoire :
Dans la petite ville portuaire de Goëm, en baie de Sprague, Niels et Vivien sont deux frères habités par des spécialités différentes. Niels est grimpeur, c’est-à-dire qu’il manie des cerfs-volants géants et monte de l’un à l’autre via des échelles de cordes, afin de pouvoir observer le plus loin possible à l’horizon. Vivien est sondeur, c’est-à-dire qu’il enfonce dans la terre une succession de longs et fins tubes télescopiques, pour relever le degré d’humidité au plus profond. Les analyses de ces deux-là sont précieuses en ces temps troubles. Car depuis la disparition de Loëfen, la seconde lune, la mer s’est complètement retirée… et n’est jamais revenue. A la place, les habitants ne voient plus qu’une immense steppe craquelée, plate et désertique. L’inquiétude monte, car l’on craint que la mer ne revienne plus jamais. Niels a beau grimper au plus haut, il ne voit aucun littoral à l’horizon. Vivien a beau sonder, ses tubes remontent sec de sec. Sur un coup de tête, ils décident de partir en expédition à la recherche de la mer, alors même que plusieurs expéditions déjà parties ne sont toujours pas revenues. Ils prennent contact avec le captain O’Greg, un vieux bourlingueur à moitié aveugle, qui vit avec son crack-up (sorte de perroquet doté d’intelligence) Merlin. Le captain ne sera pas facile à convaincre, à moins peut-être qu’on lui offre… des bouquins !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Sprague prend pour contexte une planète de légende, lointaine et/ou futuriste, où vit un peuple humanoïde, mais dont la connaissance avoisinerait celle de notre XVIème siècle européen. Navires, outils, costumes, civilisation sont un brin archaïques et légèrement décalés. Par exemple, l’un des deux héros frères grimpe sans souci sur des cerfs-volants à l’aide d’échelles de cordes, ce qui nous laisse supputer des lois de la gravité qui n’ont rien à voir avec les nôtres. La problématique est surréaliste, presque digne d’une aventure de Philémon : la mer s’est retirée, une expédition est donc organisée pour la retrouver ! On évitera de trop vous en dire sur le pourquoi du comment… mais si vous avez lu Ter et Terre chez le même éditeur, sachez que de nombreux éléments et rebondissements font échos à ces séries. Et pour cause, le scénariste est le même, l’incontournable Rodolphe, qui ne se renouvelle donc guère et ne surprendra pas ses fans… En revanche, le scénariste sait s’entourer de diables de dessinateurs : le très rare Olivier Roman (à qui on doit quelques Harry Dickson, version classique !) officie et montre toute l’étendue de son talent réaliste, la justesse de ses perspectives, le lyrisme de ses paysages, les proportions et postures impeccables de ses personnages. Nec plus ultra : Denis Béchu offre une colorisation phénoménale, qui joue tantôt avec une lumière blafarde, souvent avec les contre-jours, toujours idéalement pointue et adaptée. Et comme toujours avec Maghen, le grand format cartonné s’avère le parfait écrin pour enrober ce one-shot légendaire.