L'histoire :
Ozbeg, le puissant Chaman a vu. Une femme, un bébé avec un 3ème œil au milieu du front, un départ, une épée légendaire et des hordes de cavaliers scandant le bras levé son nom. Celui de Temudjin, sorti de cette transe chamanique pour en révéler l’incroyable destinée… Aussi, à dos de yak, Ozbeg part-il immédiatement pour trouver l’enfant. Parcourant les plaines mongoles, il arrive à destination : une vallée verte, quelques yourtes et un chef de clan pressé de se débarrasser de l’une des siennes. La femme en question est mal en point. En train d’accoucher douloureusement, elle attend d’Ozbeg qu’il l’aide. La science du Chaman ne peut malheureusement rien : le cordon ombilical enroulé autour du cou, l’enfant mourra pendu s’il est expulsé naturellement. Sa mère trouve rapidement une solution… Mais avant de voler à Ozbeg un couteau pour s’ouvrir le ventre et libérer son bébé, elle raconte pourquoi son clan l’a rejetée : l’enfant qu’elle porte est celui de l’esprit loup qui l’a fécondée par ruse il y a quelques mois. Peu après, Ozbeg prend la route avec l’enfant qu’il élève bientôt comme son propre fils. Les années passent et le petit garçon semble particulièrement prédisposé à apprivoiser les esprits des défunts lorsqu’il assiste son père adoptif dans ses différents « travaux ». Il parvient même à les dompter pour qu’ils lui offrent d’incroyables pouvoirs. A n’en pas douter, l’enfant est bien celui qu’attendait Ozbeg. Celui qui pourrait offrir au peuple mongol un nouvel avenir…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Vieux complices de bandes dessinées, Antoine Ozanam et Antoine Carrion (aka Tentacle Eye) décrochent une nouvelle fois la timbale. Accroche graphique topissime, immersion dans un univers aux accents de conte et de légende, force épique, saupoudrage fantastique et plongée onirique dépaysante… Tout est là pour un incroyable voyage de papier d’une centaine de pages, sertie – une nouvelle fois – par la volonté éditoriale de livrer en prime un bel objet. Temudjin c’est le nom d’un gamin. Celui dont la destinée exceptionnelle a été entraperçue par Ozbeg, un chaman Mongol qui le prendra sous son aile. Celui maîtrisant les esprits des défunts en d’extraordinaires pouvoirs. Celui peut-être capable d’unir les clans mongols déchirés par les luttes intestines, pour bâtir un formidable Empire. Temudjin, c’est aussi l’un des noms du fameux Gengis Khan, un autre bâtisseur d’Empire… Incroyable conteur, Ozanam joue avec l’Histoire en superposant malicieusement au personnage historique une enfance revisitée. Celle d’un autre Gengis Khan (une autre réalité, un autre temps ?) ou celle fantasmée du véritable. Ozanam entretient le mystère… Mais l’essentiel n’est pas là. Le scénario choisit de s’appuyer sur les prédispositions épiques du récit pour faire de l’histoire une véritable rencontre entre un homme et son destin. L’exercice manie alors les notions de libre arbitre, s’amuse à heurter Temudjin au mur de ce qui a été écrit pour lui et le fait aimer, souffrir ou tuer dans un même mouvement. Ciselé comme une légende, le récit emporte le lecteur au son du cliquetis des lames, des frottements amoureux peau sur peau et du bruissement imperceptible des esprits. Seul le final un brin elliptique frustre en laissant orphelin d’un basculement épique total et foudroyant pourtant tisonné par l’initiation du personnage central durant la majeure partie de l’album. Il faudra d’ailleurs ne pas bouder le – faux – cahier graphique final qui, outre de magnifiques travaux préparatoires, offre la véritable conclusion du récit. Le dessin de Carrion participe quant à lui très largement au travail de séduction effectué par l’ouvrage. Chacune de ses cases amoureusement construites pourrait se retrouver accroché au mur d’une galerie d’art. Ajoutons la maîtrise du mouvement, l’élégance des couleurs, la science du cadrage et l’incroyable lisibilité pour comprendre aussi qu’il n’y avait pas meilleur scénario pour lui permettre d’exprimer pleinement son talent.