L'histoire :
McGiles est mort. Très logiquement, il débarque en enfer. Il y re-naît en étant « accouché » à travers un cloaque sanguinolent situé sous une sorte de baobab géant. Aussitôt, des sbires humanoïdes démoniaques en haillons l’attrapent par la tête avec un crochet et lui font un rapide touriste-tour de ce qui sera son environnement pour l’éternité. Ici, il a le choix entre la souffrance et le désespoir, la douleur et la terreur, la lave ou le feu, le désarroi infini ou l’agonie perpétuelle. A droite un humain enchainé se fait picorer les viscères par des créatures ailées. A gauche, un autre doit avaler un gobelet de lave en fusion. Partout autour, un paysage aride et crépusculaire, des rivières de sang, des mouches à merde, des ossements, des effluves de peste. Au loin, on lui présente l’équarrisseur et ses chiens maudits. McGiles aura affaire à lui s’il ne rentre pas immédiatement dans le rang. On l’enferme dans une geôle putride, en compagnie d’autres condamnés aux travaux forcés. McGiles se retrouve rapidement intégré à un groupe qui fomente une évasion impossible. Parmi eux, il y a le nazi Fegelein, la pirate Anne Bony, un dandy anglais prénommé Jack, Isabelle de Castille qui a mis au point l’inquisition, Locuste l’empoisonneuse romaine et Gesualdo, bourgeois féminicide de la Renaissance. Ensemble, ils prennent d’abord la tangente à travers un boyau de traverse qui les mène jusqu’à un autre paysage de désolation, où se déroule une guerre perpétuelle…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour la première fois, les éditions Daniel Maghen ouvrent grandes leurs portes à Tony Sandoval, dans l’optique assumée d’offrir un écrin à son esthétique du morbide. Le scénariste Stephen Desberg compose en effet un road-trip sur mesure à l’artiste mexicain, celle d’âmes damnées qui cherchent une échappatoire à leur supplice à travers des territoires arides et désespérés. Le pitch est très basique : McGiles et ses compagnons – parmi lesquels la mystérieuse créature ailée Volage – condamnés à la souffrance éternelle, vont se lancer dans une interminable (et vaine ?) quête d’une porte de sortie du royaume de Satan, ponctuée de confrontations outre-meurtrières (comme ils sont déjà morts, il est nécessaire que ce soit très douloureux). Car bien entendu, jamais personne ne s’est jamais évadé des enfers (sinon, ce serait sacrément le début des emmerdes). Or pour satisfaire au postulat biblique, s’ils sont dans cet au-delà cauchemardesque, c’est évidemment qu’ils le méritent bien. Nos héros sont donc d’infâmes salopards – nazi, pirate, empoisonneuse, éventreur – et il vous faudra patienter un chouya pour découvrir quelle est la spécialité ignominieuse du personnage central de McGiles (indice : son époque d’origine nous est contemporaine). Pour autant, étant donné le vertigineux et infini supplice qui leur est infligé, on a évidemment envie qu’ils s’en sortent. Ce canevas serait relativement convenu sans la réelle plus-value de l’ouvrage : les crépusculaires et sordides paysages imaginés par Sandoval et les démons décharnés et squelettiques qui les peuplent et qui hanteront désormais les nuits des lecteurs-trices sensibles. Autodidacte, Sandoval semble avoir digéré le catéchisme appris auprès des œuvres de grands maîtres comme Bosch, Bruegel, Rubens ou Bacon. Pour son ultra classique et flippant décorum des enfers, ce road-trip infernal se place dans la digne lignée de la description détaillée qu’en fait Dante Alighieri.