L'histoire :
Un étudiant qui révise pour ses rattrapages passe la plus grande partie de son temps dans sa chambre, entre son lit et son bureau, avec à portée de main sa collection de comics. Par la fenêtre il observe un gamin qui joue au foot devant l'immeuble, il jette régulièrement un œil aux publications de son frère sur les réseaux sociaux, et tente de recentrer ses pensées sur son travail. Il quitte sa chambre au moment des repas, ses parents discutent un peu et le laissent gérer ses révisions. Il décide finalement d'aller acheter un ballon et va descendre lorsque son petit voisin sera là pour aller jouer avec lui. Le garçon n'a pas vraiment envie d'un partenaire de jeu, surtout que, de toute évidence, il ne sait pas jouer. Aaron, de son côté, n'est visiblement pas très habile pour engager la conversation avec un enfant. Quelques jours plus tard, son frère qui vit une histoire d'amour avec une certaine Emilie, lui propose de passer ensemble un week-end à la campagne. Aaron a rencontré la jeune femme une fois lors d'un diner et lorsqu'ils sont venus chez ses parents, elle a un fils nommé Arian, à qui Aaron va parler de ses comics de super-héros. C'est un sujet tout trouvé pour intéresser le jeune garçon.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Sur plus de 200 pages à la narration très particulière, proche des auteurs américains contemporains, l'auteur Ben Gijsemans construit un récit intimiste qui se révèle très progressivement, mais avec une grande force. Le format en douze cases par page, qui ne change que lorsque l'on plonge dans les comics d'Aaron, donne un rythme très particulier, qui force l'attention. Sur une page entière, on voit simplement le jeune homme hésiter, poser son téléphone, plonger dans ses pensées. Des mouvements parfois à peine perceptibles, des arrêts sur image et des temps d'arrêt qui, au début de la lecture, laissent perplexe. Ces cases toujours de la même taille donnent l'impression de suivre les images d'une caméra fixe, ou les dessins successifs d'un film d'animation, sans savoir qu'une grande partie de leur tension cachée se révèlera plus tard dans l'album. L'auteur maîtrise la précision nécessaire pour que ces mouvements soient bien articulés, comme lorsque le gamin devant l'immeuble joue avec son ballon de foot. Sa ligne claire est totalement sous contrôle, tout comme la manière dont il va nous surprendre au moment choisi et retourner notre perception de son récit. C'est seulement le deuxième album de cet auteur belge d'à peine trente ans, et déjà Hubert, paru chez Dargaud en 2016, avait surpris par son habileté dissimulée. C'est épatant de constater comment notre lecture s'adapte au tempo qu'il choisit, et rentre dans le jeu de la subtilité des mouvements, ou de la répétition des plans fixes. Alors, certes, le format de cet album est un poil aride en apparence, mais sa lecture est une vraie découverte, et confirme un auteur de grand talent, original et prometteur.
