L'histoire :
Après être tombé éperdument amoureux d’une jeune femme, le petit et frêle poussin Abélard s’est décidé à quitter son paisible îlot, dans le marais où il avait toujours vécu. Il avait trop envie de découvrir le monde, de décrocher la lune ou les étoiles, pour séduire Épilie. Sa destination est l’Amérique où, parait-il, des hommes auraient inventé une machine volante… Son périple l’amène à rejoindre une troupe de gitans, durant un temps, puis à faire route aux côtés d’un ours costaud, désabusé et grognon, mais doté d’un fond généreux : Gaston. Tout en déversant sa philosophie profondément pessimiste de la vie, Gaston escorte ainsi Abélard jusqu’au port. Le poussin boit ses paroles comme autant de vérités et une profonde tristesse commence à l’envahir. Après des adieux sur le quai, Abélard se fait dépouiller par le premier escroc venu. Il n’a désormais plus de quoi payer la traversée Atlantique. Comble de malchance, deux ivrognes hargneux passent leurs nerfs en lui cassant la figure. Passant providentiellement par là, Gaston le ramasse à la petite cuillère. Gaston a décroché un job de machiniste et il embarque sur son paquebot en cachant Abélard à l’intérieur de son paquetage. Abélard sera passager clandestin…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A peine 4 mois après la parution du tome 1 enchanteur, Régis Hautière et Renaud Dilliès nous livrent déjà le second volet de leur diptyque. L’innocent et frêle héros Abélard poursuit son périple pédestre en forme de quête initiatique, une découverte du monde qui l’amène de désillusions en désillusions. Evidemment, la voyante nous avait laissé entrevoir l’issue tragique au cours du premier opus : on n’est donc guère surpris par la tournure néfaste des évènements… Derrière a beauté du conte initiatique, se dévoile donc une parabole tout de même très pessimiste de l’existence. Les dures réalités de la vie terrestre font mal lorsqu’elles sont dévoilées aux innocents. On peut y voir une métaphore acide du passage de l’enfance à l’âge adulte, durant lequel le jeune perd ses illusions… Le chapeau magique d’Abélard aurait pu sortir bien d’autres petits papiers quotidiens : Pour vivre heureux, vivons cachés ? Heureux les simples d’esprits ? La faiblesse humaine est d’avoir des curiosités d’apprendre ce qu’on ne voudrait pas savoir (Molière). C’est un peu tout cela à la fois, Abélard, et sans doute bien plus encore, en fonction du caractère de chaque lecteur, de sa philosophie de vie. En tous cas, Régis Hautière prouve ici une nouvelle fois sa grande maturité narrative, en se frottant avec succès à un registre délicat : la fable universelle et poétique. Le dessin de Renaud Dillies se montre certes un chouya plus brut (traits plus épais, plans plus serrés, couleurs plus sombres…), il reste parfaitement dans le ton, tendre et lyrique à la fois. Une triste et belle histoire, allégorique de la vie…