L'histoire :
Thésée est le captif d’Astérios, alias le minotaure, dans une chaumière situé dans une « clairière » en plein cœur d’un gigantesque palais abandonné qui ressemble à un labyrinthe. Au terme de la lutte que les deux combattants ont loyalement livré l’un contre l’autre, tous deux se sont blessés mutuellement. Le calme est retombé. D’apparence, la plaie à la cuisse de Thésée demande juste à être cautérisée… Ce à quoi s’emploie le minotaure, après avoir chauffé au fer rouge une épée, tout en discutant sur un ton fort affable avec son adversaire. Le minotaure est sincèrement désolé d’avoir blessé Thésée. Il n’a aucune haine envers ce jeune prince, fils du roi d’Athènes Egée, qui a su conquérir le cœur de sa sœur Ariane. En attendant que sa blessure aille mieux, il lui propose de lui raconter son histoire tragique. Comment est-il devenu le gardien redouté de ce labyrinthe ? Pourquoi le roi Minos lui envoie-t-il régulièrement se perdre les ennemis dont il veut se débarrasser ? Tout a commencé bien des années auparavant, alors que l’architecte athénien Dédale venait de commettre une grosse bêtise. Ce soir-là, Dédale s’était embrouillé avec son neveu apprenti Talos. En lui collant une grosse baffe, ce dernier avait chuté du haut des imposants remparts du Parthénon. Talos était tombé dans la rocaille, mort démembré sur le coup. Ravagé par son acte de folie, Dédale et son ami Tectamus avaient alors tenté de dissimuler cet assassinat involontaire, en recouvrant le corps de Talos de caillasses. Mais des gueux avaient surpris leur manège et menaçaient dès lors la belle notoriété de Dédale. Ce dernier avait aussitôt choisi de s’exiler sur l’île de Crête, au service du roi Minos…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après avoir revisité le mythe de Pygmalion – et bien avant, en compagnie de Christian Rossi, ceux de Tiresias et de la Gloire d’Hera – le scénariste Serge le Tendre et le dessinateur Frédéric Peynet proposent une nouvelle lecture de l’une des superstars de la mythologie grecque : le Minotaure. Contrairement aux clichés d’ordinaire utilisés, ce monstre sanguinaire qui décime quiconque cherche à sortir du labyrinthe dans lequel il est enfermé à vie, porte ici en lui une grande part d’humanité. Il est cultivé, s’exprime correctement et se montre fort affable envers le jeune homme qui va le terrasser, Thésée. Mais alors, devant tant d'urbanités, pourquoi le fils du roi Egée va t-il ainsi chercher à l’éradiquer ? Pour comprendre cette confrontation inévitable, fatale et mythique, Serge le Tendre prend le temps de remonter à la genèse d’Astérios – oui, le Minotaure a un prénom ! Pourquoi celui-ci a t-il un corps d’homme et une tête de taureau ? Quels sont ses origines familiales et quel lien d’affection si puissant le lie-t-il à Dédale, l’architecte du labyrinthe ? Car dans cette version tout à fait cohérente et teintée de tragédie shakespearienne, le destin du Minotaure est intimement lié à celui de Dédale, son père d'adoption, qui tient ici un rôle central. Le Tendre construit sa narration à partir des dernières heures du Minotaure, alors qu’il papote avec son « bourreau » au centre du labyrinthe. Astérios raconte son histoire à Thésée, par séquences de flashbacks successives, une nouvelle fois dessinées de grandiose manière par Peynet. Les personnages sont expressifs, attachants, les paysages de Crête envoûtants et baignés de lumière méditerranéenne qui donne sacrément envie de (re)partir en vacances… Quant au labyrinthe, il se démarque de l’image classique des jeux des magazines pour enfants : il s’agit plus d’un inextricable et gigantesque palais plein de coursives, d’escaliers et d’oubliettes, lugubre et morbide. Une relecture aussi envoûtante qu'astucieuse.