L'histoire :
New York City, quartier de Wall Street. Ici comme ailleurs, les hommes servent l'État comme des machines avec leurs corps. Ce sont de bons citoyens. Seule une poignée d'individus, les héros, les patriotes, les martyrs, les vrais hommes, servent l'état avec leur conscience. Un orateur apostrophe les passants un à un. Interpelé par ces palabres, un notaire qui passait par là, s'oppose à cet homme en lui rappelant que son métier consacré à la copie d'hypothèques de titres de propriété et de valeurs mobilières va au-delà de ça. Il insuffle à ses employés l'énergie nécessaire pour s'activer ! Dans l'étude Turkey et Nippers, les deux scribes de l'étude rédigent des actes et se plaignent de leur travail. Le mobilier est rudimentaire, ils sont tellement débordés qu'ils commettent quelques erreurs. Leur notaire entre et les renvoient à leurs chères études en affirmant qu'un excès de propriété nuit aux bons employés et qu'il faut savoir se satisfaire de peu. Pour casser cette routine quotidienne et satisfaire les panses de ses employés, le notaire dépêche le jeune Ginger Nut pour aller chercher des gâteaux qui ne manqueront pas d'égayer cette morne journée. Un jeune scribe frappe à la porte. Il s'appelle Bartleby...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tout le monde connaît Herman Merville pour son roman Moby Dick où le Capitaine Achab et le Cachalot Blanc se livrent une lutte sans merci. Ce livre est une métaphore entre le Bien et le Mal ; et tout dépend où on se place pour distinguer l'un de l'autre. Outre ce monument de la littérature anglo-saxonne, Melville a écrit une courte nouvelle, Bartleby, le scribe, auquel les amoureux de littérature réservent une place à part. Cette histoire d'un homme lambda qui décide de dire « je ne préfèrerai pas » s'apparente à un plaidoyer pour la désobéissance, contre le libéralisme et la bureaucratie qui nous accapare. Melville dénonce l'absurdité du système et ses arcanes à la manière d'un Kafka. L'homme est un rouage dans l'engrenage. Et si l'on devenait comme Bartleby, un objecteur de conscience ? Après une préface pleine de sens de Philippe Delerm, Jose-Luis Munuera adapte avec brio ce texte installant une atmosphère hors du temps, avec son dessin cartoonesque, citant Henry David Thoreau (Walden ou la Vie dans les bois) et son livre La désobéissance civile. Ses décors de New York pris dans le blizzard hivernal, agrémentés des couleurs nébuleuses et tourmentées de Sedyas, apportent une profondeur aux personnages affublés d'expressions significatives et s'exprimant dans un langage châtié, non sans humour. Face à l'absurdité de la situation covidienne qui nous occupe, on ressort de cet album avec l'idée que l'humain doit se réinventer, sous peine de ne plus être que l'ombre de lui-même.
