L'histoire :
Dans le quartier de Belleville, au milieu des vendeurs ambulants, Freddy encaisse des liasses d'argent liquide. Il en reverse à d'autres, il exige le respect des délais, il est supplié par les mauvais payeurs d'intercéder auprès de Jadzec. Lorsqu'il se retrouvent en proche banlieue, c'est Jadzec himself qui peste d'avoir du ramener seul le camion de l'aéroport. Dans un terrain vague, à l'écart de l'échangeur, la transaction va avoir lieu. Freddy est en charge du contact, arrogant en apparence, sûr de lui et provocateur, mais conscient du risque énorme qu'il court face à un groupe de cinq hommes très nerveux. Pendant ce temps, un touriste chinois coiffé d'un étrange bob, et armé d'un sourire de fausse humilité, embarque dans un taxi devant l'aérogare de Roissy. Pas de bagage, il se contente de jouer avec une petite cuillère qu'il fait tourner sur ses doigts, sur la route de Belleville. Il va falloir une transaction avortée, une cargaison d'immigrés clandestins en lieu et place d'un stock de TV HD en provenance d'Asie, pour provoquer la rencontre entre les deux hommes. Le chinois qui porte un bob s'appelle Zhu. Le destinataire de la transaction s'appelle Wang. Entre les deux, un proxénète russe et Freddy l'exécutant. Rien ne va se passer comme prévu. Les enjeux sont pourtant d'une étrange simplicité...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dès la sortie de la bouche de métro, elle vous prend aux tripes. L'ambiance de ce quartier parisien, ses vendeurs à la sauvette, ses contrôles de police, tout est palpable, vibrant sous le trait de plume de Vincent Perriot. Le premier regard de Freddy dit tout sur sa personnalité sombre, brutale et concentrée. En moins de trois pages sans un mot, le lecteur est happé par l'univers dans lequel évolue un personnage dont on ne sait encore rien. En quelques instants, le doute est levé sur la capacité du style nerveux et fragile du jeune dessinateur à nous embarquer, porté par une mise en scène absolument brillante. On ne lit plus cet album, on y plonge sans retenue, complètement portés par ses séquences ultra dynamiques, dont le tempo s'ajuste selon les événements. Belleville Story est un remarquable exemple d'une génération de raconteurs d'histoires qui a digéré les codes du cinéma, du manga et de la BD, pour aboutir à une approche hybride, formidablement efficace dans sa narration. On pense à Bastien Vivès entre autres, à tous ceux en tout cas qui nous forcent à passer outre un dessin qui n'est pas virtuose en apparence, mais dont la force de séduction éclate. Les 170 pages de cette intégrale sont impossibles à refermer, le road-movie de ses deux personnages principaux est fascinant de bout en bout. Le scénario d'Arnaud Malherbe trouve une déclinaison parfaite dans cette version BD, que les curieux chercheront à rapprocher de sa version téléfilm diffusée sur Arte, les deux ayant été développés en parallèle, sans interférence. L'album de Malherbe et Perriot n'a en tout cas besoin d'aucune référence pour exister. Il surprend autant par sa narration que par les surprises que réservent son scénario. Rien n'est habituel dans ce polar moderne et étonnamment moral. Il faudra jusqu'à la dernière page pour que le lecteur le comprenne tout à fait.