L'histoire :
Au sortir de la seconde guerre mondiale, l’Allemagne est politiquement coupée en deux par ce qu’on appelle « le rideau de fer ». Tout comme le pays, Berlin, l’ancienne capitale du Reich se trouvant dans la partie est, a été divisée en 4 secteurs en 1948 : une moitié sous contrôle soviétique, l’autre moitié répartie entre américains, anglais et français. Cet ilot « capitaliste » doit supporter un blocus économique intraitable, par le régime de Staline. Les puissances occidentales mettent alors en place un pont aérien gigantesque, ravitaillant la ville avec tout ce dont elles disposent comme engins volants à moteur. L’anglais Roy Stuart, unique rescapé de l’équipage du Lancaster S-Snowwhite (cf. tome 1), est pilote d’un Dakota C-47 qui effectue régulièrement le voyage à partir de la frontière ouest. Il est surnommé « Schokoladenflieger » (l’aviateur aux chocolats) par les journalistes, pour son habitude de jeter des plaques de chocolat par les hublots de son appareil, lorsqu’il passe à basse altitude au dessus de la ville, à destination des enfants. Cette réputation « humaniste » lui vaut d’être contacté par la sœur de Reinhard, un caïd, fils d’ancien dignitaire nazi et chef de bande. Sans scrupule, avec un culot qui n’a d’égal que son sadisme, le gamin tente de négocier son passage à l’ouest, contre des documents top-secrets en sa possession… et quelques lingots d’or.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
15 années séparent cette « suite » du one-shot initial, paru à l’origine sous la bannière Aire libre. En dépit de ce délai et en sus de la nouvelle identité éditoriale accordée par Dargaud, une unité de ton unit les deux épisodes. Primo concernant le dessin, proportions, mise en scène et cadrages sont toujours impeccables. Cependant, le style graphique de Marvano a légèrement évolué : à présent les courbes se rejoignent, les traits sont pleins, sans doute légèrement moins précis, mais plus spontanés. Ça n’est ni meilleur, ni moins bon : juste différent et témoin d’une mutation intéressante. On retrouve d’ailleurs la même séparation de style entre les premiers et les derniers Dallas Barr. Secundo, le biais narratif est toujours celui de l’aviation. Le fil rouge avec le one-shot originel tient dans la présence de Stuart, l’officier bombardier absent lors du raid fatal, en raison de ses 40° de fièvre. Pourtant, il ne s’agit plus à présent de faire partager une quelconque angoisse en vol. Cette suite s’intéresse aux premières années de la guerre froide, et plus précisément à l’organisation économique et sociale de cet étrange ilot capitaliste qu’a constitué Berlin ouest pendant près de 30 ans. Cette fois-ci, Marvano distingue clairement son intrigue des topos purement didactiques. Ces derniers rafraîchissent la mémoire du lecteur sur le contexte géopolitique ou l’informent de la biographie de tel ou tel protagoniste. Sur ce canevas, l’auteur illustre parfaitement le chaos résultant du conflit, notamment à travers le tempérament de Reinhard, nazillon déshumanisé. Les comptes de la guerre sont loin d’être soldés et les décisions politiques antinomiques n’ont pas fini de martyriser la région. La trilogie trouvera son épilogue dans un prochain volet (courant 2008), situé dans le cadre de la construction du mur (1961)…