L'histoire :
Autour du zinc d’un troquet, une ribambelle d’ivrognes ordinaires assène moult commentaires fachos, phallos, racistes… en bref, bêtes et méchants, le verre à la main. Au fil du déroulé ininterrompu de l’actualité, ils ont un avis sur tout (par définition). L’album propose une rétrospective mensuelle sur l’année 2008. En janvier, les émeutes se poursuivent au Kenya : « Je serais l’ONU, je leur enverrais des tam-tams ; ces gens là, tant qu’ils s’occupent les mains, ils se foutent pas sur la gueule ». En février, une navette ravitaille la station spatiale internationale : « …ils avaient oublié les apéricubes… ». En mars, passage à l’heure d’été : « Demain, l’apéro tombe une heure plus tôt, on n’aura même pas le temps d’avoir soif ». En avril, le Pape annonce que « Les pédophiles ne sont pas admis à devenir prêtre », ce qui n’empêche pas les prêtres de devenir pédophiles… Mais aussi la politique de Sarkozy, la crise des subprimes, l’élection de Barak Obama, la flambée du pétrole…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Et oui : la série quitte Fluide Glacial pour rejoindre la bannière Dargaud, bénéficiant au passage d’une édition cartonnée originale et guère écolo… Yan Lindingre y scénarise une nouvelle flanquée de brèves de comptoir, pour son compère dessinateur Manu Larcenet, qui n’a pas la tâche graphique facile : il s’agit toujours de planter des types avec des tronches rongées par l’alcool (notamment des blaires abominables, des chicots tout pourris, des dégaines has-been…), devant un zinc, un mégot au bec et un litron (quasi-vide) devant eux. Aussi ne fait-il pas dans la dentelle, livrant un trait rapide, spontané, avec quelques coups de pinceaux en fond sonore… c’est bien suffisant ainsi et tout à fait approprié. Petite nouveauté : cette fois, les brèves de comptoir n’adoptent plus la forme du recueil en vrac, mais suivent un découpage mensuel, selon le principe des almanachs (comme le faisait Maëster avec son satirique L’actu tue). A chaque mois, des sujets d’actualité différents, et pourtant à chaque sujet d’actualité, le facho-poivrot protéiforme en revient plus ou moins aux mêmes conclusions primaires ou poujadistes. Or, au bout de 3 tomes, avouons que c’est toujours un peu la même chose : dans le fond et dans la forme, l’exercice tourne en rond. L’actu a beau changer, les thèmes et les raccourcis haineux restent identiques et cette rengaine finit par blaser, voire elle agace… En cela les auteurs soulignent avec réalisme la limite des argumentaires de comptoir… mais était-ce vraiment l’objectif ? Quelques répliques savoureuses de cynisme sortent néanmoins du lot (les émirats et Emile Louis…). Avec Titine au bistrot ou le présent Chez Francisque, Lindingre semble avoir fait de la philosophie de troquet sa marque de fabrique. Mais l’auteur est également autrement impliqué dans la diatribe sociale : il co-scénarise et story-boarde notamment la BD brulot du journaliste Denis Robert sur « l’affaire » Clearstream, L’affaire des affaires. Un axe certainement plus constructif…