L'histoire :
Un vieil homme obligé de rebrousser chemin devant un train absent pour cause de grève et un inconnu de trente ans son cadet qui tente de négocier un plein d'essence alors qu'il a oublié son portefeuille chez lui. Abel paie le plein de Vincent et monte dans sa voiture sans lui demander son avis. Lorsqu'il veut retourner dans son appartement pour rembourser son passager imprévu, Vincent se retrouve nez à nez avec des hommes en armes, qui se lancent à sa poursuite. Il retourne sans demander son reste vers sa voiture pour prendre la fuite, et constate qu'Abel à crevé les pneus de ses poursuivants. Il est tiré d'affaire, surpris de l'initiative lumineuse de son passager imprévu. Il accepte de l'embarquer dans les premiers kilomètres de sa fuite, persuadé que son ami Manu, à une heure de là, va le sortir de ce mauvais pas. Mais tout semble plus compliqué que prévu. Vincent a dans sa voiture des cartons fermés qui semblent l'objet de bien des convoitises ; et Manu est plus réticent que prévu à l'aider. La route continue tant bien que mal. Le jeune homme doit livrer sa cargaison. Sur la route, Abel commence à lui parler de sa vie, de son expérience communiste au sortir de la seconde guerre mondiale. Lorsqu'ils vont rencontrer Rose, auto-stoppeuse débrouillarde et pleine d'initiative, leur destin va prendre une tournure encore différente. Sans demander d'explications, sans mettre en cause leurs choix de vie, les trois inconnus vont voyager et progresser ensemble, vers le but de chacun. Abel, Rose et Vincent vont beaucoup apprendre, sur eux-mêmes et sur leur rapport aux autres...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette œuvre « de jeunesse » d'Etienne Davodeau, parue initialement en 1996 et rééditée aujourd'hui, est intéressante à plus d'un titre. Elle nous plonge d'une certaine manière dans le début des romans graphiques à la française, sur un thème qui depuis a été maintes et maintes fois repris. Le road-movie qui voit des existences se confronter, mettant l'accent sur l'humanité de ses personnages, leur solitude au milieu du monde, sur fond de jolis paysages, n'est plus très nouveau aujourd'hui. Cet album nous rappelle également que Davodeau avait déjà le goût d'une certaine densité sociale pour ses personnages, pas très marquée ici, mais structurée par des dialogues qui se trouvent au cœur de son récit. Le passé communiste d'Abel donne une vraie personnalité au vieil homme, qui compense le secret relatif sur l'existence de ses deux compagnons de voyage. Il y a toutefois un manque de maturité perceptible chez le jeune scénariste de l'époque, qui enchaîne de manière parfois rapide des séquences aux sentiments opposés, et montre une volonté d'émouvoir un peu trop directe. Le recul de presque vingt ans sur ce plan est injustement cruel pour cet album, qui semble utiliser des ficelles connues et surfer sur une sorte de mode. Alors qu'il n'en est rien, l'auteur ayant été un des pionniers du genre. Sur le plan du dessin, le Davodeau de 1996 ne surprendra pas le lecteur des Ignorants. L'essentiel se situe dans le fond du récit, le trait rapide mais régulier du dessinateur n'étant réellement mis en lumière que dans les scènes plus silencieuses de jolis paysages de campagne. Une réédition intéressante qui, en passant du grand format au format moyen des BD d'auteur actuelles, n'est pas hors de propos.