L'histoire :
Heyerdahl Island, dans l'océan Arctique, début juillet. Une équipe de journalistes et de scientifiques sont déposés sur la terre ferme jusqu'au mois de septembre, coupés de la civilisation. « On va devenir fous de solitude ! S'entretuer, se dévorer les uns les autres... il y a des précédents dans les expéditions polaires...» Emma n'a pas encore pris en compte qu'il n'allait pas y avoir de nuit, car c'est l'été boréal. Qu'importe. Au lieu de monter sa tente avec son cameraman Luis, elle va à la rencontre de ses compagnons d'aventure. « Je m'appelle Alice et je travaille sur les effets du réchauffement climatique sur la faune et la flore des régions arctiques. » A ses côtés, Yann est botaniste ; Charlotte spécialiste en biologie marine ; et Sven et Trygve spécialistes des fossiles. Emma va les suivre pour réaliser un documentaire. L'exploration des sols et l'analyse des animaux permettent de voir l'évolution du monde. L'idée que Dieu a créé la Terre d'un coup et que tout est parfait est remis en cause. Ces animaux dans le sol ne sont pas issus du Déluge mais d'une longue et lente évolution. « On connaît environ 250 000 espèces fossiles, mais on pense que la Terre a vu naître des centaines de millions d'espèces ! Et 99,9% d'entre elles sont aujourd'hui éteintes... » Eventuellement, d'autres vont aussi disparaître car Emma a emmené sa chatte, une prédatrice affamée. Le monde est une succession d'extinctions et une nouvelle se profile. D'ailleurs, c'est pour cela que la demoiselle est présente. L'homme a presque entièrement détruit des espèces naturelles, comme la baleine ou le cachalot, en voie de disparition. La star du lieu dans le registre est le rhinocéros laineux, tout jeune et momifié. Notre journaliste s'imagine déjà l'animal en pleine vie car il est plus près de notre ancêtre, l'homo sapiens. Progressivement, on apprend à mieux cerner pourquoi l'animal est mort, depuis quand... Les progrès humains réduisent la variété des animaux. Comment s'adapter à l'être humain et à sa quête de profits ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Immédiatement, Alexandre Franc nous immerge au cœur d'un lieu singulier : l'Arctique. Trois mois dans un lieu isolé permettent de mieux étudier sa faune, sa flore et les chercheurs. On rencontre dès les premières pages toute l'équipe, avec chacun des objectifs à atteindre pour mieux comprendre l'évolution des espèces en ces lieux. L'héroïne qui nous servira de guide pour la vulgarisation scientifique se démarque avec sa grosse veste jaune et son bonnet à pompon rose. Sa maladresse est l'opportunité de parler de la nature sur des points particuliers. Ainsi, le personnage de Yann donne des informations sur les ours que l'on ne peut même pas tuer s'ils venaient à les attaquer. « Jusqu'aux années 1960, ils ont été chassés sans aucun contrôle. Puis leur chasse a été de plus en plus encadrée. Mais aujourd'hui, avec le réchauffement climatique, ils sont à nouveau menacés. » Les étés sont plus chauds, plus longs et par conséquent, il est plus difficile de se nourrir. Les changements touchent tout le monde. D'ailleurs, c'est pour ça que cette équipe est là : pour étudier le changement climatique grâce à une approche originale, réaliste et très pédagogique. On découvre des restes de trilobites, cheiropyge, gorgonops, rhinocéros laineux... pour bénéficier d'une leçon complète d'évolution des espèces. « Après 5 extinctions majeures, nous sommes peut-être en train d'assister au début de la sixième ! » Au fur et à mesure des pages, on nous présente tous les animaux qui ont disparu à cause de la surconsommation, la surpêche des espèces, la pollution, les produits toxiques... Néanmoins, on garde une trace de leur passage dans des livres, avec des squelettes, des dessins, des photos, des prélèvements, dans des musées... Au niveau graphique, les thématiques sont bien amenées avec une planète qui se recouvre progressivement. C'est malin de montrer ainsi l'évolution. Tout comme l'ensemble de l'œuvre stylisée avec l'approche descriptive et humaine. Tout est ainsi très bien expliqué et sourcé. « L'océan est le dernier milieu naturel dans lequel nous prélevons massivement notre nourriture. 75% de la surface des mers sont exploités de façon industrielle, et chaque année, les pêcheurs capturent environ 120 millions de tonnes d'animaux marins ». En somme, Jean-Baptiste de Panafieu et Alexandre Franc proposent une réelle prise de conscience, audacieuse, hardie et urgente. Sans jugement et avec des arguments pour changer notre regard et notre comportement.