L'histoire :
Mathieu Sapin discute avec Gérard Depardieu dans un cimetière. Ils parlent de la mort. Pour l’acteur, elle n’est pas synonyme de tristesse. C’est même une énorme délivrance. Il l’a senti alors qu’il était dans le coma. Il pense à cette phrase de Peter Handke : « Je ne sais rien de moi à l ‘avance. Mes aventures m’arrivent quand je les raconte »... Mais comment l’auteur d’Akissi en est-il arrivé là ? Tout a commencé en octobre 2012, à Paris. Mathieu Sapin rencontre pour la première fois Gérard Depardieu avec l’idée en tête de réaliser une bande dessinée sur l’acteur. Il sonne à la porte de son hôtel particulier et pénètre dans son antre. Il découvre Gérard en caleçon ample au milieu de ses œuvres d’art (La Valse de Camille Claudel, une installation de Brancusi, une cheminée et une sculpture de Bernard Quentin…). Il est au téléphone en train de palabrer. Il monte « se laver la rondelle » pendant que Mathieu Sapin se fait un café. Gérard sans fard, c’est ça ! Mathieu Sapin raconte la première fois qu’il a vu Depardieu à la télé avec la Femme d’à côté de François Truffaut, rencontré en vrai pendant le meeting d’entrée en campagne de Nicolas Sarkozy. La première fois qu’il l’a vu en vrai, c’était pour faire un portrait de l’acteur sur le tournage d’un documentaire Retour au Caucase avec, comme fil rouge, le livre d’Alexandre Dumas Le Caucase, impressions de voyage. Cet ouvrage est constitué de notes de l’auteur et de gravures réalisées par le peintre Jean-Pierre Moynet…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après avoir suivi le président en exercice pendant sa campagne et à l’Élysée, Mathieu Sapin reprend son crayon pour suivre un autre emblème national, le truculent Gérard Depardieu. Tout le monde connaît ses films et sa vie parsemée de succès énormes et de tragédies toutes aussi énormes. Tout le monde connaît aussi son goût pour les femmes et son appétit de bonne chair. Mais connaît-on vraiment l’homme ? Percer ce mystère est l’ambition de Mathieu Sapin (beaucoup de dessinateur dont Blain ont refusé l’exercice auquel Sapin s’est volontiers plié), qui aura croisé sa route à plusieurs reprises de 2012 à 2016. Tel un scribe dans l’ombre, il note sans vergogne et griffonne sur son carnet, Gérard dans toute sa splendeur. Il est au plus près de ce Dumas du XXème siècle et l’observe sous toutes ses coutures. Loin d’être un simple spectateur, il nage, il fait les marchés, il part en Azerbaïdjan, il mange des brochettes avec Gérard. Gérard est un personnage balzacien à part entière avec ses contradictions. L’argent, Gérard, il s’en fout comme de l’an 40 (ce qu’il préfère, ce sont les amis, mais cela ne l’empêche pas de faire un bras d’honneur à la France (en la quittant car il la trouve triste) pour se rapprocher de Poutine et devenir russe. Gérard est entier, on l’aime ou on ne l’aime pas, mais il ne laisse jamais indifférent ! Le déroulé narratif de Sapin est fluide et nous emmène au cœur de cet être à la fois grossier et sans filtre, mais avec une tendresse débordante. Son dessin très quick drawing va à l’essentiel mais n’oublie pas les détails… Un Oscar pour le Gérard de Sapin !