L'histoire :
Le scénariste et dessinateur Morgan Navarro ne sait plus trop où il en est. En proie à une profonde crise existentielle sur son travail et son avenir, il décide de s’intéresser d’un peu plus près à l’auteur Hunter S. Thompson. Ce dernier ayant popularisé le journalisme dit « gonzo », ou journalisme ultra-subjectif, où l’auteur d’un article devient l’un des protagonistes de l’écrit en l’écrivant à la première personne (la consommation de diverses drogues et alcool est un plus pour Thompson). Se souvenant avoir découvert le long-métrage de Terry Gilliam, Las Vegas Parano au cinéma, Morgan décide de se lancer dans un nouveau projet : celui de partir pour Vegas avec son ami Jack sur les traces de Hunter S. Thompson. Il part ainsi à la recherche et à la rencontre de différentes personnes ayant croisé le chemin de l’écrivain/reporter pour tenter de brosser un portrait éclectique et « gonzo » de Hunter. La route sera semée d'embûches, de doutes, de quelques substances illicites et de beaucoup de remises en question sur un mode de vie qui, vu de l’extérieur, est l’un des plus dépravés…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Morgan Navarro propose ici un voyage loufoque et déjanté sur les traces d’un des auteurs les plus influents du XXème siècle. Construit effectivement sous la forme d’un récit gonzo, à la première personne et se plaçant en protagoniste de l’histoire, Navarro embrasse le genre dès les premières pages et nous fait naviguer dans l’esprit d’un auteur en proie au doute et à la remise en question. Par le biais d’un road trip sous acide et sans réel but initial, hormis celui de « faire comme l’auteur que j’apprécie parce que apparemment ça l’a aidé », Morgan et Jack vont découvrir un monde diamétralement opposé au leur, en rencontrant de nombreuses personnes (pour ne pas dire personnages) qui semblent être durement marqués par une politique jusqu’au-boutiste et absurde, détruisant peu à peu l’idée qu’ils se sont fait d’un soi-disant rêve américain. Le dessin, quant à lui, oscille entre le trait gras et noir sympathique, rehaussé de belles couleurs vives et peu détaillé. Chaque case souffle le chaud et le froid, sans pour autant être désagréable à l'œil. Plus que l’histoire d’un homme sur les traces d’une de ses idoles, Gonzo est le portrait d’une Amérique post-Donald Trump faisant l'état de ce qui reste des rêves et espoirs des Américains dans un pays plus que jamais divisé. Efficace !