L'histoire :
Mohammed El-Gorani est né en Arabie Saoudite. Il vient d'une famille de la tribu des Goranes au Sahara. À Médine, la vie est dure pour un étranger du Tchad. Son père doit travailler sans relâche pour un adamite médiocre et lui-même ne peut pas aller dans une école publique. L'Arabie-Saoudite valorise les Saoudiens mais pas les étrangers. Mohammed apprend avec des cours particuliers, mais il doit très vite travailler pour remplacer son père qui est de plus en plus malade. Il vend des bibelots et des objets, toute la journée, dans la rue. Un boulot misérable qui n'est pas sans danger : il faut faire attention à la police qui poursuit les colporteurs et récupère la marchandise. Mohammed sympathise avec un autre jeune étranger, Ali, un pakistanais. Ils travaillent ensemble et Ali lui apprend quelques mots de sa langue. Un jour, son oncle explique à Mohammed qu'il recherche une personne qui s'y connaît en informatique. Ali conseille à son ami de se rendre au Pakistan pour étudier dans ce domaine, ans le but de revenir travailler ensuite ici, sur les ordinateurs. L'idée obsède Mohammed qui ne sait que faire. Il n'a pas peur de partir, car il a déjà fugué de chez lui... Mais dans un autre pays ? Finalement, il prend la décision de quitter son pays pour aller au Pakistan, sans se douter du terrible sort qui l'attend...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Initialement publié en mars 2018, Guantanamo kid est aujourd'hui rééditée au format poche (à moins cher), au sein d'une nouvelle collection de Dargaud réunissant des ouvrages très divers. Guantanamo : un nom qui fait frémir, tant cette prison non-officielle est connue pour cacher de terribles secrets. En racontant l'histoire incroyable et tristement pathétique de Mohammed El Gorani, Jéröme Tubiana, journaliste spécialiste de l'actualité en Afrique, dévoile ces secrets. Il faut dire que Mohammed est l'exemple parfait pour incarner ce cauchemar : enfermé à l'âge de quatorze ans, il va rester plus de six ans dans le centre de détention Cubain. Accusé à tort de terrorisme, l'adolescent va traverser les pires systèmes carcéraux américains : Kandahar en Afghanistan, puis X-Ray et toutes les sections des camps delta à Guantanamo. Tubiana raconte avec beaucoup de détails ce que peut être le quotidien d'un détenu avec des souffrances incessantes, des humiliations sans nom et des violences sans fin : le vaporisateur gaz poivre, la soif et la faim, la chaleur, les fouilles systématiques, les interrogatoires, la musique et la lumière intensives pendant la nuit, le changement de cellule toutes les heures (le frequent flyer program), les cellules vides ou climatisées, le SOP où une équipe spéciale menotte le prisonnier... L'enfer est sur terre. Ce récit poignant (et authentique) accuse Guantanamo des pires exactions, bien loin des conventions de Genève. Certaines anecdotes sont terribles. La prostituée engagée pour faire parler, le groupe Rage Against the Machine qui proteste contre l'utilisation de sa musique comme moyen de pression... Le chemin de Mohammed est terrible et fascinant à la fois, tant le pauvre homme aura vécu ce que l'on peut imaginer de pire. Nul besoin de romancer une virgule, tant sa destinée est exceptionnelle et cruelle à la fois. L'espoir est là, toutefois, car Mohammed se sera battu pour sa liberté, défiant les gardes violents, les officiers iniques et les États-Unis en général. Ce formidable récit est très bien illustré par le dessin noir et blanc d'Alexandre Franc. Le graphisme simple, proche du dessin animé, détonne et apporte une certaine légèreté à un album bien lourd. Il souligne également l'humanité d'un détenu écrasé par l'injustice et la violence. Un album fort qui dénonce une honte de notre siècle.