L'histoire :
En 1999, à Zagreb, la petite équipe de basket junior de Devescak est arrivée en finale contre la grosse équipe de Kibona. Sur le banc de touche, Frano Petrusa est un jeune joueur, à la fois tétanisé par l’enjeu et redoutant les colères de son entraineur, Dario. Ses mains dégoulinent de sueurs alors qu’il n’est toujours pas entré sur le terrain. Depuis qu’il a fait la guerre, Dario se laisse aller à des pulsions d’énervement plus que limites : en plein finale, il balance une chaise sur un de ses jeunes joueurs. La méthode pédagogique n’est pas des plus classieuse, mais elle porte ses fruits : progressivement, à force de méthode et de dépassement, Devescak remonte ses 10 points de retard face à Kibona. Dario semble vivre le match comme il vécu la guerre. A Vukovar, en 1991, il était resté embusqué dans un immeuble en ruines, face à l’ennemi tchetnik, pour couvrir le repli de ses camarades. Un gamin inconscient l’avait alors surpris en restant avec lui. En mitraillant l’ennemi, il avait alors trahi leur cache. Une grenade leur avait aussitôt été envoyée. Le gamin avait alors eu le réflexe culotté d’intercepter et de relancer… il y avait perdu la main. Les deux croates étaient néanmoins piégés dans leur ruine. Pour sortir de ce guêpier en portant le gamin, Dario allait devoir ruser et frôler la mort de très près…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans ce one-shot original, le croate Frano Petrusa met en perspective un match de basket, vécu dans sa jeunesse, et la guerre de dislocation de la Yougoslavie qui débuta en 1991. L’idée n’est pas d’établir une énième morale de civilisation – la compétition sportive qui endiguerait les nationalismes – mais bel et bien de mettre en parallèle les deux atmosphères, finalement très proches en tensions. La densité d’un match à enjeu est certes à relativiser par rapport à l’horreur d’une guerre… mais le parallèle est ici légitimé par l’authenticité des faits : le traumatisme vécu par son entraineur de l’époque, Dario, se reportait alors sur son comportement sur le banc de touche. Dans la forme, l’auteur croate imbrique tour à tour les séquences de ces deux époques révolues. Il raccroche les souvenirs de l’auteur-basketteur et ceux de l’entraineur-soldat entre eux : il est aussi nécessaire d’intercepter le ballon que la grenade, etc. Or, si la traque par les tchetniks dans les ruines de Vukovar contient intrinsèquement son lot d’adrénaline, concrétiser par le dessin la tension d’un « bête » match de basket est une autre affaire. Le plus étonnant est la vitalité que Petrusa parvient à insuffler à son dessin. Le coup de crayon est vif, dynamique, souvent spontané et révèle une belle maîtrise de son art. Les astuces de découpage sont également inventives et bienvenues (les explosions pulvérisent les limites de case, Dario saute de l’une à l’autre en étant dans l’une et l’autre). Au final, on se laisse sincèrement embarquer dans les deux conjonctures vibrantes que sont la guerre et le match, l’anxiété de la première nourrissant la nervosité de la seconde.