L'histoire :
L’hiver 1944, les Gi américains s’enlisent dans leur offensive, en cherchant à repousser les soldats du Reich dans les Ardennes belges. Les allemands résistent ardemment, la guerre n’est pas encore gagnée. Alors qu’ils tuent le temps autour d’un feu de camp en lisant des nouvelles du front, un camion d’approvisionnement arrive. Il vient de récupérer le contenu d’un parachutage. Mais la toile n’était pas jaune et ne contenait donc pas de médicament. Elle n’était pas rouge non plus, donc pas de munitions. Le colis parachuté contenait… un piano ! Un piano droit, peint couleur olive, plus petit que la normale, a priori fabriqué spécialement pour l’usage militaire ! Les gars du sergent Brown sont estomaqués. Aussitôt, ceux qui savent se servir d’un tel instrument se mettent à pianoter et se relaient, tandis que tous les GI chantent. Le concert improvisé change de l’ordinaire, remet du baume au cœur et dure toute la soirée. Le lendemain, John est réveillé un sursaut par un camarade. Les allemands ont lancé une attaque surprise sur leur campement, il faut évacuer illico. Brown ne veut pas abandonner le piano. Il refuse qu’il devienne « la pute » des boches. Magnanime, son supérieur lui accorde la liberté de s’en débrouiller et lui donne 48h pour les rejoindre. Avec l’aide de John et d’un camarade, Brown se replie donc en transportant le piano à pieds, à travers les chemins enneigés…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La fabrication des pianos normaux a été suspendue par l’entreprise Steinbeck pendant la seconde guerre, parce que les métaux nécessaires faisaient l’objet de restrictions, pour être plutôt employés en tant que munitions ou armes. Nonobstant, les ateliers de New York se virent tout de même confier une commande spéciale de pianos droits et « courts », couleur militaire, spécialement conçus pour être distribués aux soldats du front. 2436 « Victory Verticals » furent ainsi fabriqués ! Au même titre que des stars de l’époque acceptaient de donner de grands concerts gratuits sur les bases, l’objectif était alors de remonter le moral des troupes ! C’est cette anecdote, inspirée par une lettre authentique d’un GI, que les autrices belges Céline Pieters (au scénar) et Celia Ducaju (au dessin) illustrent dans cet Interlude. L’emploi du piano sonne ainsi comme une parenthèse chantée et enchantée au milieu de l’horreur guerrière. Il donne lieu à 6 reprises dans cet album à des séquences quasi oniriques, nimbées de couleurs chaudes, sans bordures de cases – alors que le retour au présent, dans les Ardennes belges enneigées et la tension d’une mort imminente, se déroule à travers des teintes froides, vert d’eau et bleu-gris. La liste des titres (des tubes américains de l’époque) est reprise en fin d’album. L’illustration en couverture synthétise admirablement bien cette histoire très peu fictionnelle.