L'histoire :
Berlin, mai 1922. Un Fokker en provenance de Moscou s’apprête à atterrir sur l’aéroport de Berlin. À son bord, la célèbre danseuse américaine Isadora Duncan et son jeune époux, le turbulent, le talentueux Serge Essénine. Sur le tarmac, une foule dense et compacte attend la diva qui ne fait jamais rien comme tout le monde. Isadora descend de l’avion, resplendissante, son mari, beaucoup moins, visiblement affecté par le mal de l’air. Quelques jours plus tard, remis de ses émotions, Essénine croise Koussikov dans le petit salon du grand Hôtel Adlon. Les deux hommes arrosent leurs retrouvailles au champagne. Trois bouteilles plus tard, ils prennent la direction du Künstlerhaus, « La Maison des artistes » où Essénine doit faire une lecture poétique. Mais la performance de l’artiste est raillée par le public composé d’émigrés russes : nobles déchus, commerçants replets et quelques bohèmes. Essénine est insulté de toutes parts et tout se termine dans une bagarre générale. Le lendemain, les journaux ne manquent pas l’occasion de faire la une de cet évènement…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ne vous y trompez pas, Isadora, c’est bien la suite de Il était une fois dans l’Est. Pourtant, au premier abord, on a l’impression d’avoir la suite de Pablo entre les mains. Les éditeurs ont cru bien faire en modifiant la maquette : un format plus grand qui s’intègre parfaitement avec les Pablo du couple Oubrerie-Birmant. Mais qui fait de Il était une fois dans l’Est un vilain petit canard. Une belle maladresse éditoriale. Passée cette déception marketing, ce deuxième opus est dans la lignée du précédent. Sublime tant dans l’écriture que dans la dimension graphique. Julie Birmant puise dans la vie virevoletante d’Isadora les éléments marquants de cette légende de son temps, passée dans l’oubli. Plutôt que de suivre une narration chronologique, elle rend hommage à l’originalité et à la liberté d’Isadora Duncan, en racontant de façon déstructurée la vie de la star. À Paris, Duncan a véritablement un déclic. Elle se laisse envoûter par Rodin et ses sculptures. Elle qui ne croyait qu’en la beauté des corps grecs, se laisse littéralement porter par les courbes de ses créations : « Les Amants », « Psyché et Eros », « Le baiser ». Elle découvre aussi les prestations scéniques hallucinatoires de Loïe Fuller. La narration de Birmant est sensuelle, empreinte d’émotions et de sensibilité. Elle décrit avec subtilité une femme libre, loin des diktats et des conventions, une artiste qui vit de passion et d'eau fraîche, dont la fin tragique est à l'image de sa vie : imprévisible… Le dessin de Clément Oubrerie épouse à merveille l’exploration du personnage de Duncan (le récit de cette suite qui n’en n’est pas une, au final) avec des envolées graphiques somptueuses, montrant au passage, toute la palette de son talent. Ses couleurs directes façon lavis font le bonheur des mirettes. Pour leur prochaine collaboration, Birmant et Oubrerie vont changer de cap avec une sorte d’Indiana Jones, où les aller-retours temporels entre la Mésopotamie antique et les années 30 seront légion. Un nouveau défi graphique pour Oubrerie, pas bien loin de Hugo Pratt...