L'histoire :
Au sortir d'un dernier rendez-vous chez le banquier qui avait été son ami, David Cantolla doit faire face à la vérité. Il n'a plus d'argent, personne ne lui en prêtera pour le tirer d'affaire, il va devoir repartir à zéro. Les 996 euros en liquide qu'il retire pour vider son compte vont être rapidement dépensés : une chemise de luxe, un sac à main pour sa femme et un repas au restaurant. Tout le même jour, pour ne pas reculer la nécessité de rebondir et de repartir. Il faut dire que David tombe de haut, lui qui, quelques années plus tôt, était à la tête d'une des entreprises les plus prometteuses d'Espagne. Teknoland était considérée comme une pépite, rapidement introduite en bourse, courtisée par les plus importants investisseurs, qui vont finalement tous la laisser tomber en quelques mois. Une entreprise parmi des centaines qui connaîtront le même sort, des noms vite oubliés qui se terminaient en « .com », disparus après l'éclatement de la bulle Internet du début des années 2000. Une étape après l'autre, nous allons comprendre comment un jeune dirigeant d'entreprise passe irrémédiablement du statut de star des médias à celui de destinataire des courriers de saisie, à qui plus personne ne veut accorder un rendez-vous.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Etonnant bouquin qui décrit l'expérience réelle du fondateur d'une start-up balayée par l'éclatement de la bulle Internet en 2001. Après la formidable expansion des valeurs en bourse d'une myriade de sociétés, leur valeur virtuelle a explosé, remettant d'une certaine manière les créateurs fous du web en contact avec la dure réalité. David Cantolla était de ceux-là, sa société Teknoland étant passé du statut de bijou du net à rien du tout en à peine quelques mois. La mécanique choisie par l'auteur pour nous raconter son expérience est assez épatante pour le non-initié. Cantolla a choisi de nous emmener à rebours des années 2001 à 1994, chaque chapitre reculant de quelques mois ou années le flashback démarré au début de l'album. Cette technique crée une sorte de suspense pour le lecteur qui attend une explication journalistique supplémentaire à chaque chapitre. A chaque fois, une nouvelle étape dévoilée, dont on sait qu'elle le rapprochera de la ruine complète, qui constitue les premières pages du livre. Mais à aucun moment Cantolla n'assombrit le paysage, lui qui a tranquillement rebondi en devenant le créateur de Pocoyo et Jelly Jam, des séries d'animation pour enfants diffusées dans le monde entier. Les interventions très fumeuses de maître Yan (« Rien ne sert de se coiffer devant un miroir brisé ») allègent le récit par leur décalage et leur absurdité, tout comme les scènes de rêve de l'auteur à certaines étapes de la croissance de son entreprise. Le dessinateur Juan Diaz Faes, dont c'est le premier travail BD publié en France, illustre avec une patte originale ce récit finalement drôle, dans la mesure où il n'insiste jamais sur les conséquences de la disparition d'une entreprise qui employait 600 personnes au sommet de sa croissance. Son graphisme moderne et régulier donne la distance nécessaire au récit, une certaine froideur qui met en valeur la part absurde de cette saga. Nul besoin, en tout cas, d'être un pro du CAC40 ni du NASDAQ pour apprécier les leçons de cette aventure humaine atypique, Cantolla ayant semble-t-il tiré des leçons universelles de sa jeunesse d'entrepreneur. Sans jamais finalement donner l'impression de regretter grand'chose. Une intéressante biographie contemporaine.