L'histoire :
John Clark est un jeune photographe New Yorkais de 22 ans qui réalise des piges pour des feuilles de choux locales. Bousculant les piétons et manquant de se faire renverser en traversant la chaussée, il se dirige d’un pas rapide vers les bureaux de la Farm Security Administration (FSA) pour postuler à un poste de photographe. Cette agence a pour mission de décrire les situations critiques du pays dans le domaine agricole à l’aide de reportages photographiques et d’articles de journaux. Le responsable de l’agence en est sûr : une image en dit plus qu’un millier de mots. L’entretien est plutôt rapide, le responsable remarque le talent de John au premier coup d’œil sur son travail photographique. Pour sa première mission, John doit se rendre dans l’état de l’Oklahoma et plus précisément dans le Nord-Ouest, le no man’s land nommé « panhandle », le manche de poêle, en référence à la forme caractéristique de cet état. La mission est simple : montrer au peuple américain la vie dans la région du « Dust Bowl », touchée par les tempêtes de poussières. En acceptant ce reportage, John n’imagine pas un instant que ses propres convictions sur les valeurs fondamentales de la photographie vont être remises en question.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Aimée De Jongh, autrice, entre autres de L’obsolescence programmée de nos sentiments aux éditions Dargaud, propose un nouveau one-shot, Jour de Sable. Le scénario met l’accent sur les conditions de vie des habitants dans la région du « Dust Bowl » dans les années trente et plus particulièrement dans l’Oklahoma. Cependant, le récit ne se contente pas de décrire la situation : Aimée de Jongh nous propose de visualiser ce fait à travers le prisme du reportage photographique. L’accent est mis sur l’ambivalence de la réalité de l’image et de la réalité cachée. Le récit relate très bien cette problématique qui peut être perçue par chacun de façon positive ou négative. Une des questions de fond est la place de la mise en scène dans la manipulation de l’information. D’ailleurs, est-ce réellement de la manipulation de l’information ? Sans tomber dans le caricatural, est-ce si dérangeant de montrer une perception de la réalité et grossissant volontairement le trait ? En plus d’ouvrir un débat sur l’authenticité et la manipulation par l’image, l’autrice nous propose une réelle histoire, extrêmement touchante, sur un jeune reporter qui se pose de réelles questions sur son rôle et sa place dans la tragédie que vivent les habitants de la région. Le scénario est vaste et est extrêmement bien écrit. Avec son trait réaliste, Aimée de Jongh nous plonge dans la grande dépression américaine des années 30. Les cases sont détaillées, les émotions des personnages perceptibles à travers les traits des visages ou leurs expressions corporelles. Il y a un très gros travail graphique avec la représentation de nombreuses photographies, beaucoup d’intelligence dans le découpage et les choix graphiques. D’ailleurs, chacun appréciera les cases où l’autrice dessine le champ hors cadre autour de la photographie pour en démontrer ses limites. La réflexion est extrêmement pertinente, pouvons-nous juger une photographie sans prendre en compte le contexte et ce qui se passe hors cadre ? Jour de Sable vient ainsi s’ajouter à la courte liste des albums géniaux que l’on dévore et qui propose une réelle réflexion à laquelle on apporte une réponse selon sa propre sensibilité ou idéologie, mais qui pousse à réfléchir. Un sublime album, touchant et authentique, et une très belle découverte autant sur l’aspect graphique que scénaristique.