L'histoire :
Cantor le mercenaire et Charlie l'ancien employé des colons belges ont récupéré la malette de diamants que l'ancien chauffeur avait cachée après avoir fui la propriété qu'il venait d'incendier. Bernard Forthys a organisé l'arrivée des dix millions de dollars qui devraient permettre de récupérer un butin qui vaut trois fois plus, et d'organiser le partage des bénéfices au sein du cercle qui a organisé le coup. Le ventripotent colon belge qui dirige l'usine de cuivre de l'UMHK rêve de passer les prochaines années aux côtés d'Alicia, une femme magnifique qui l'a littéralement envoûté de ses charmes et de ses faveurs sexuelles. Mais la jeune femme veut avant tout sauver son frère, et elle est prête à tout pour cela, utilisant alternativement le pouvoir de ses deux amants, le naïf Bernard, et Armand Orsini, le cynique conseiller spécial du président Katangais. Ce dernier tient d'ailleurs la promesse qu'il a faite au gouvernement qui l'emploie, et livre Patrice Lumumba ligoté et le visage ensanglanté au ministre Munongo. La révolution populaire va prendre fin avec la mort de son leader charismatique. L'histoire du pays s'écrit sur fond d'une cynique magouille entre colons sans scrupules. Mais lorsque les diamants se rapprochent des protagonistes, chacun va tenter de tirer son épingle du jeu.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Fabien Nury et Sylvain Vallée concluent avec ce troisième tome une des séries BD les plus incroyables de ces dernières années. Le duo qui s'était illustré avec Il était une fois en France confirme qu'il vient de franchir un nouveau cap époustouflant. Cette histoire totalement dénuée de morale et pourtant pleine de personnages fascinants explose littéralement avec ce dernier épisode, dans une succession de révélations et de surprises totalement déstabilisantes. Nury est probablement le plus impressionnant des scénaristes actuels, avec cette capacité unique à construire des histoires hors cadre, imprévisibles, mettant en scène des personnages d'une profondeur exceptionnelle. Son sens dramatique touche les sommets du genre, sur fond d'une période charnière de la décolonisation en Afrique, et de références précises à l'Histoire telle qu'elle s'est réellement déroulée. Sylvain Vallée crée des personnages presque réalistes, mais dont la touche caricaturale sublime absolument la présence. Orsini est juste un peu trop fourbe, Alicia un peu trop mince et belle, Forthys un peu trop gros, et les visages des ministres congolais un peu trop proches de ces clichés de despotes africains corrompus. Une partition graphique de très haute volée qui montre que le dessinateur assume totalement une véritable virtuosité, et prend le risque de n'être pas consensuel. Il exprime avec force les forces et les faiblesses des protagonistes. Son aisance apparente est confondante, il se place lui aussi dans la cour des très grands. Katanga est un triptyque monstrueux, fascinant, dérangeant et virtuose. Une expérience de lecture rare, qu'il ne faut pas laisser passer.