L'histoire :
Pour Louviers, c'est une nouvelle mission qui commence, dans la capitale en guerre d'un pays aux frontières Est de l'Europe. Les chars croisent le train qui le mène vers une ville dévastée, en proie à des affrontements aux enjeux complexes. Arrivé sur place, Louviers tente de localiser l'un des trafiquants d'armes qui entretiennent le conflit. Les initiés le surnomment La Hyène, mais son visage n'est connu que par des photos floues. Dans le hall de l'hôtel, le tueur se fait passer pour un journaliste et rencontre les correspondants des grand médias internationaux. Pour tenter de se rapprocher de sa cible, il va utiliser, comme les autres journalistes, un groupe d'enfants qui vendent leurs services aux étrangers dans la ville. Traducteurs, espions, informateurs, ils se faufilent dans les méandres du conflit pour le compte de reporters peu scrupuleux. L'un des jeunes garçons, muet mais formidablement déterminé, va conduire le faux journaliste dans les ruines du musée de la ville, et à la rencontre d'un de ses oncles. Dans le parcours qui le rapproche de sa cible, le tueur va croiser les personnages les plus cyniques, du côté des milices en guerre ou des journalistes prêts à tout pour une photo choc. Et voir surgir à chaque coin de rue le visage de Ciseaux, sa compagne et âme sœur. Celle qu'il a pris sous sa protection quand elle s'appelait encore Anne, et qu'elle venait de tuer un homme qui avait tenté de la violer dans les vestiaires du gymnase de leur lycée. Louviers ne parvient pas à l'oublier...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C'est avec plaisir qu'on retrouve quelques uns des personnages de la trilogie Ken Games, brillant polar en trilogie qui avait marqué les esprits par sa construction parfaite et ses caractères remarquablement trempés. Les auteurs ont choisi la forme du préquel pour nous attirer à nouveau dans l'univers de Louviers, le tueur compagnon de Ciseaux, avec lequel elle avait partagé une partie de sa vie avant de rencontrer TJ. Là s'arrête le lien avec les intrigues propres au premier cycle, ce volume se concevant comme un one-shot qui n'appellera pas forcément une suite. Il donne des précisions sur la rupture initiale et explosive entre les deux personnages, et développe une intrigue tout à fait différente sur le terrain d'un conflit armé qui évoque l'ex-Yougoslavie. Le talent de mise en scène de Robledo et Toledano est bien évidemment toujours là, aussi frappant d'une certaine manière que celui de Diaz-Canales et Guarnido sur les premiers Blacksad. La virtuosité graphique éclate à chaque page, combinée avec une insolente maturité cinématographique de la part de deux auteurs qu'on a découverts avec le premier album de la série, en 2009. La lecture de ce quatrième volume ne rend pas obsolète la cohérence du premier cycle : elle le complète avec habileté, sans donner l'impression d'une resucée commerciale. Le polar fonctionne très bien, parsemé de petits prodiges visuels où les influences multiples de Marcial Toledano éclatent, à la croisée des comics US et de l'expressionnisme propre à l'animation. L'album vaut essentiellement pour ses aller-retours avec le passé du personnage, l'intrigue sur fond de guerre étant surtout le point d'appui de ses réflexions. Certaines scènes avec les animaux du zoo dévasté ne sont pas sans rappeler le très beau Pride of Baghdad de Vaughan et Henrichon. Mais cette forme d'hommage ne fait que renforcer l'ambiance nihiliste de cet album réussi. En tout cas, que ce soit pour une éventuelle suite de la suite, ou un autre projet annoncé sur les blogs, Robledo et Toledano sont deux auteurs à suivre absolument.