L'histoire :
Au crépuscule d’une froide journée battue par une pluie diluvienne, un cow-boy solitaire arrive dans la bourgade de Froggy Town. C’est Lucky Luke. Détrempé, il installe Jolly Jumper dans l’écurie attenante au saloon local, puis pénètre dans la salle principale pour s’y restaurer. Un unique cow-boy se trouve là, qui révise son poker et fume le cigare. Soudain, un excité simplet entre et défie le roi de la gâchette qui, selon la légende, tire plus vite que son ombre. Luke ne perd pas son sang-froid et ne gâche même pas une balle. Avec un cure-dent, il bloque le chien de l’arme du jeune homme et le neutralise. Il est aussitôt mis en joue par la carabine d’un autre homme, le frère du premier. Luke apprend alors que les frères Bone sont en quelque sorte un trio de shérif. Il doit leur remettre son arme, comme l’oblige la loi locale. Ce qu’il fait sans rechigner. Le calme revenu, Luke fait la connaissance de Doc Wednesday, l’autre cow-boy du saloon : plutôt sympa, mais gravement malade des poumons. Le lendemain, la nouvelle de la présence du célèbre Lucky Luke a fait le tour de la ville. Une délégation de citoyens vient le démarcher pour lui demander d’enquêter sur un récent hold-up : la récolte d’or des mineurs s’est faite dévaliser alors qu’elle transitait par diligence vers Silver Canyon. Le cocher a été tué, un mystérieux indien est suspecté. Luke est de bonne volonté, mais il ne voudrait pas entrer en concurrence avec « le shérif ». Les habitants derrière lui, il part donc négocier à l’office la prise en charge de l’affaire… et la remise de son flingue…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Quand un grand auteur prend en main un grand héros de bande dessinée, ça ne peut aboutir qu’à un grand chef d’œuvre (sic). Fan depuis l’enfance de l’homme qui tire plus vite que son ombre, et après avoir fait ses classes dans le western avec Texas Cowboys, Mathieu Bonhomme propose en effet aujourd’hui SON Lucky Luke. Un Lucky Luke différent dans le ton, certes, notamment moins humoristique que du temps de l’âge d’or Goscinny – il faudra attendre le Lucky Luke de Bouzard pour cela, prévu en juin 2016. Ici, le héros solitaire trimballe d’emblée une lourde réputation d’invulnérabilité et d’intégrité, et il se confronte au contexte d’une enquête solide et retorse, tout en honorant les graves promesses du titre emprunté à un film de John Ford (L’homme qui tua Liberty Valence, 1962). C’est chose faite dès la première page du one-shot en flash-forward : on y voit le corps de Luke, écroulé et inerte en sang dans une rue boueuse, au terme d’un duel déloyal. Nooon… vraiment ? Pour pitch de départ, Bonhomme ambitionne pourtant juste d’expliquer pourquoi Luke a arrêté de fumer en 1983 (au tome 52, Fingers, à la demande des lobbies anti-tabac). Or, pour info (sifflote sifflote), Luke est bien au générique du tome 53 ! Sur le plan graphique, Bonhomme s’approprie également le look du personnage, qu’il immerge dans un décorum de far-west crédible, appartenant à son style semi-réaliste virtuose. Plus longiligne que jamais, Luke arbore un faux-air métisse-asiatique, qui accentue le mystère de ses origines. Bonhomme respecte cela dit les splendides panoramas nimbés de grands espaces, ainsi que codes couleurs de Morris, avec une utilisation consommée d’aplats en bichromie. Crénom, qu’ça fait du bien un bon western. Ouaip.