L'histoire :
Une fillette noire avance à travers une prairie en faisant basculer par à-coups la cage verticale en métal dans laquelle elle est enfermée. Péniblement, elle parvient à rejoindre une forêt, dans laquelle elle fait échouer sa cage dans le lit d’un ruisseau. Une famille de coyote s’intéresse alors à cette curieuse proie. Tandis que la gamine se bat à travers les barreaux contre ces prédateurs, elle reçoit l’aide providentielle de deux jeunes femmes en même temps. Kathleen, la première, est une jeune veuve irlandaise munie d’un fusil. Elle est rescapée d’une attaque d’indiens sur sa caravane, et elle fuit la concupiscence des hommes en général. Chumani, la seconde, est l’une des indiennes qui a attaqué sa caravane de colons, et elle sait rudement bien tirer à l’arc. Etant donné le contexte, ces deux-là sont faites pour se haïr… et pourtant leur condition féminine les rapproche et les incite à essayer d’aider et de soigner Abigail. Cette esclave noire de 12 ans est la propriété d’un riche planteur, qu’elle a émasculé alors qu’il tentait de la violer. Pour ce crime, elle était condamnée à mort… mais son instinct de survie lui a permis une évasion rocambolesque et violente. Les trois femmes organisent leur survie dans la forêt, une situation qui tient quelques jours… avant qu’Abigaïl ne tombe malade. Kathleen file aussitôt vers la ville la plus proche pour y acheter des médicaments et… une scie à métaux !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les circonstances rocambolesques de l’Ouest sauvage amènent cinq femmes d’origines, de conditions et d’âges différents à se regrouper pour affronter… la violence gratuite et la convoitise dégueulasse des hommes. Tel est le pitch de départ volontiers caricatural de ce western original scénarisé par Olivier Bocquet et enluminé par Anlor, une femme armée d’un sacré coup de crayon. Dans le registre d’ordinaire très masculin du western, le cœur du propos est la noblesse de la sororité. Ici, les hommes sont soit violeurs, soit cupides, soit alcooliques, et toujours certains de leur bon droit à la domination – à tort ! Une fois accepté le poncif plus-féministe-tu-meurs des méchants et stupides hommes contre les femmes opprimées et courageuses, il faut avouer que cette histoire est narrée et mise en scène avec une belle efficacité. C’est relativement violent, le sang gicle sans vergogne, laissant de nombreux protagonistes sur le carreau… Et cette brutalité féminine est légitime, car elle s’avère une réponse systémique aux comportements machos. Certes, Bocquet cède à quelques facilités et laisse dans l’ombre ce qui l’arrange. Pourquoi Kathleen et Chumani ne s’entretuent-elles pas ? D’où vient le fric de Kathleen ? Pourquoi Chumani a-t-elle quitté sa tribu ? Comme toute fiction « de casting » qui se respecte, cet épisode se concentre sur l’intégration progressive et la présentation partielle des protagonistes. Deux autres femmes se joignent à ce groupe hétéroclite – une vieille instite et une prostituée – avant le final particulièrement explosif et sanglant. Cette histoire peut se lire comme un one-shot… mais la numérotation 1 sur la tranche et la mention Fin « de l’épisode » nous laisse à penser que les auteurs auront encore bien des flashbacks éclairants à entrecouper dans un prochain volume – et bien des violences féministes à expurger envers le machisme crasse, avec ou sans armes.
