L'histoire :
Ça y est, Marco et Emilie ont eu une petite fille. Pétillante, adorable, Maude est aujourd’hui âgée de 3-4 ans. Marco prend son job de papa très au sérieux, bien que cela nourrisse partiellement ses angoisses. Impressionné par la soif de connaissance et la capacité d’apprentissage de sa fille, il apprend tout autant qu’elle. Il décrypte désormais le monde alentour différemment et se sent renforcé par ce devoir naturel d’éducation, qu’il ne trouve pas évident. Bien sûr, il est toujours suivi par un psy, avec qui il évoque ses pensées exutoires les plus déviantes. Il se met aussi à apprécier différemment les petites choses de la nature, le retour des hirondelles, les écureuils dans l’arbre, comme le faisait son père au sein d’un petit carnet secrètement alimenté pendant près de 30 ans. Son job de photographe l’épanouit toujours autant. C’est dans ce contexte qu’il reçoit un coup de fil inattendu : le chantier naval où travaillait son père, et sur lequel il a fait un reportage photo publié dans un livre, va fermer. Ses amis, Pablo en tête, l’appellent à la rescousse : il faut que l’appareil photo de Marco les aide à « couvrir » le mouvement social spontané qui a surgit de cette annonce. Le fantôme de son père et sa fierté de savoir « planter des clous », est omniprésent. Marco n’hésite pas l’ombre d’un instant et en profite pour rendre visite à sa maman…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le bien-nommé Combat ordinaire propose, de manière poignante et terriblement perspicace, d’aborder ce que l’on appelle aussi communément « la vie ». Vaste programme, n’est-il pas ? Et pourtant, diantre que Manu Larcenet le fait de manière virtuose, s’appuyant pour cela sur une force narrative prodigieuse, d’une limpidité affolante (on ne s'emballe pas : c'est la vérité vraie). Ce quatrième et dernier volume ne démérite pas par rapport à ses prédécesseurs. Du rapport à sa fille, à ses racines, ou selon l’angle de vue qu’offre sa profession artistique sur notre société, le héros Marco se dépêtre avec ses contradictions, apprend à se connaître et à connaître le monde. Les situations s’assemblent merveilleusement pour aider le personnage à se construire, à apprivoiser sa place et son rôle, et surmonter ses angoisses. On peut aussi y voir une sorte de crise de la quarantaine, assumée et partagée par l’auteur avec le lecteur, faisant office de psy. On peut aussi en retenir tout ou partie de ces petites phrases, en forme de sentences, pétries d’acuité et de bon sens, que Larcenet nous catapulte à la face le plus naturellement du monde. L’image en soi, toujours juste et vibrante d’émotion, accompagne idéalement et avec une belle sobriété un propos à la fois intime et commun. Si les évènements vécus par Marco appartiennent majoritairement à la fiction, une large part de ces états d’âmes sont en effet autobiographiques (la mort du père et la paternité). De même, le propos politique est sous-jacent, bien que Larcenet ne s’y abandonne jamais complètement. Assurément et plus que n’importe où ailleurs, ce quadriptyque aura permis au 9e art de franchir un palier en matière de narration. Sans prétention, Larcenet a façonné une œuvre universelle d’une grande sensibilité, qui rassemble les amateurs de BD de tous poils. Certain pseudo-philosophe ferait d’ailleurs bien de s’intéresser au 9e art en commençant, par exemple, par cette belle histoire. Désormais, il y a des BD et puis il y a Le combat ordinaire.