L'histoire :
Frantz fait visiter le Pays Basque à sa dulcinée. Il n'y est pas revenu depuis 25 ans, donc c'est normal qu'il ne se souvienne pas tout à fait parfaitement du chemin. Nous sommes en 1965. Il se remémore très bien de cette auberge. Impossible de ne pas y faire un arrêt. La surprise est de taille quand une femme ouvre la porte et reconnaît l'ancien soldat. « Bon, entrez, venez prendre un café ». Ils échangent brièvement avec Léocadie, dite Léo. Rapidement, elle prend des nouvelles de Félix. Quel choc d'apprendre son décès. Lui qui n'était pas comme ces autres soldats qui occupaient la maison, surtout ceux en noir. Il respirait la jeunesse et l'envie de liberté. Ce n'est pas pour autant qu'elle n'aidait pas des gens à fuir en toute discrétion. Mais la guerre oblige à faire des choix radicaux. En 1944, son amoureux doit partir et elle n'a pas le temps de lui dire adieu. Après son amie Suzanne, c'est à son tour de disparaître, même si ce n'est pas pour les mêmes raisons. Quand les allemands partent, la haine des hommes prend le dessus et ils tondent des femmes sur la place publique. La demoiselle a bien des chances d'y échapper... de justesse. Elle peut compter sur ses amis. Plus tard, quand la paix est déclarée, la belle et rebelle Léo épouse Pierrot, un résistant. Et elle se met à travailler durement, en plus de ses deux enfants. Mais du jour au lendemain, il quitte le foyer conjugal en raison d'une vieille photo de son amant. Pas de temps pour des explications. Le temps s'écoule vite et la jeune maman devient grand-mère. Quel choc quand elle regarde un documentaire sur la guerre à la télévision. Sa meilleure amie a fini dans un camp de concentration. Tellement de morts, tellement de larmes et aussi des fous rires...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le récit commence de façon assez originale. On suit un ancien soldat allemand qui revient sur les traces de son passé d'occupant, avec son épouse. Un voyage en amoureux dans le Sud de la France. Une période assez tourmentée avec le front russe et la prison pour lui et son ami Félix. Une belle entrée en matière pour raconter le récit d'une femme pas si ordinaire et très courageuse. Bien que le conflit soit là, l'amour ne s'arrête pas à l'âge, le pays d'origine ou les circonstances. On suit les palpitations jusqu'où elles mènent. Pourquoi aurait-elle dû repousser ce Félix, si gentil, si doux ? Elle portera même son enfant. Mais la guerre change radicalement les gens. L'autrice Mayana Itoïz n'omet rien. Surtout avec les planches de tonte des femmes sur la place publique pour cause de collaboration horizontale. Quelle honte de l'Histoire française. Heureusement, des photographes comme Robert Capa étaient là pour montrer la lâcheté des pseudos résistants de la dernière heure. La scénariste va faire un jeu de vas-et-viens dans le temps en prenant en fil rouge Léo, un personnage inspiré de sa grand-mère. La ligne temporelle est marquée, aussi, avec des morceaux de photographies parsemées jusqu'à la dernière page. Elle ne va jamais trop loin dans le rapport à la société. Ainsi, on ne saura rien de la rencontre entre Léo et son futur mari, dont on ne verra jamais la tête. Ni comment les gens du village vont réagir à sa grossesse sans époux. Cela reste un récit intimiste tourné autour de moments forts allant d'un coup de foudre intense ou à la mort d'amis proches. Grâce à sa sœur et à Pampi qui l'a toujours aimé, l'héroïne a pu avancer à peu près sereinement dans sa vie. L'hommage de Mayana Itoïz à sa famille se fait aussi à travers de magnifiques dessins et une belle mise en couleurs. Elle emporte le lecteur grâce à son coup de pinceau dynamique et envoûtant. Les visages sont lumineux et expressifs, proches de nous. Un premier album solo à saluer après Le loup en slip scénarisé par Wilfrid Lupano.