L'histoire :
A Trafalgar Square, au cœur de Londres, trône un lion de bronze. Le roi des animaux en a vu des choses depuis maintenant plus d’un siècle. Des célébrités, des quidams, des cœurs solitaires et des amoureux transis s’échangeant de longs baisers langoureux. Peut-être même a-t-il vu passer Rosy et sa petite fille Sandy ? Leur histoire commence ainsi… Nous sommes un jour gris et, comme souvent à la récrée, Sandy s’apprête à goûter. Quand une camarade vient la trouver. Heater, blonde et fine, croquerait bien de la gourmandise de la rondouillarde Sandy. Chagrine, cette dernière finit par céder. C’est que plus tard elle veut être mannequin ! La vérité du moment est que sa brioche finit aujourd’hui à la poubelle, jetée par la maman hautaine et BCBG de son « amie »… Sa maman à Sandy, s’appelle, elle, Rosy. Rosy, la trentaine passée, est ronde et mal fringuée – telle mère telle fille – et travaille d’arrache-pied dans un bureau sous les ordres d’un patron narcissique. Ce soir encore Rosy finira tard et il n’y a guère que son collègue Peter pour l’aider. A la bourre pour la sortie de l’école, à la bourre au boulot, Rosy l’est aussi en amour. Mère célibataire, elle passe ses soirées chez elle ou au bar avec une amie à qui elle raconte qu’elle préfère rester seule plutôt que d'être mal accompagnée. Les hommes finissent toujours par se débiner. Mieux vaut encore un canard « orgasmique » ! Ainsi va la vie de Rosy, princesse déçue. Jusqu’à une soirée déguisée et la rencontre d’un chirurgien lion…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Etait-il attendu ? Après un premier qui avait détonné mais un second qui n’avait confirmé qu’au regard de certains, Jean-Paul Krassinsky nous revient avec une désormais trilogie intitulée : Des canards et des hommes. Le clin d’œil est criant au chef-d’œuvre littéraire et d’humanité signé Steinbeck (Des souris et des hommes bien sûr). Cette humanité, l'auteur la partage en tout cas avec son devancier, avec ceci de plus que l’on apprécie délicieusement ce petit côté cinglant décliné au féminin – chose trop rare en bande dessinée. Les hommes en prennent pour leur grade avec quelques perles (que peut-être connaîtrez-vous déjà ?) comme celle de la différence entre un homme et une bouillotte (il y’a à voir avec la fuite, messieurs, si vous voyez…). Bref, Krassinsky n’a pas perdu de son mordant. Même coup de crayon incisif et anguleux aussi et qui pourtant épouse si bien les formes de ses Cœurs boudinés. Reste qu’à ce propos il y a cependant du changement puisque le titre se décline ici au singulier. Une seule et même héroïne de bout en bout : Rosy, mère célibataire, hésitante entre la faune environnante, truste en effet les planches !... Si on excepte la vedette qu’elle concède, d'entrée, au lion trônant à Trafalgar Square. Outre les histoires d’amours et d’amourettes qu’il a vu défilées, sa figure aurait-elle aussi à voir avec la gente masculine ? Quand on sait que chez les lions, le mâle n’est pas des plus actifs… Lion ou canard (vibratoire !), messieurs, à vous de choisir. Ce troisième volet des Cœurs boudinés s’avère en tout cas un instant succulent de lecture. La bien belle couverture enneigée laissant présager cette fois une fin heureuse. Voilà qui réchauffera les cœurs !
