L'histoire :
En compagnie des membres de son conseil d'administration, Pierre-Henri Garan-Servier s'auto-satisfait devant la maquette de sa future usine pharmaceutique agrandie. Soudain, on le dérange pour une urgence : un œuf de sauterelle ! Mais pas n'importe quelle sauterelle, une magicienne dentelée, une espèce protégée par les normes environnementales européennes. La présence de cet insecte remet en cause tout le projet d'extension de Garan-Servier. Une bande d'écolos baba-cool s'installe aussitôt sur le site pour le transformer en ZAD (zone à défendre). Au troquet La Chope, les habitants de Moissac sont partagés devant ce coup de théâtre. Il y a ceux comme le vieil Antoine, qui s'insurgent contre cette fumisterie écolo-bobo, un frein au développement et l'emploi local. Et il y a ceux qui préfèrent que les terrains de la Berthe et autres bois aux champignons restent à la nature. A peine de retour de la première tournée d'été de sa petite-fille Sophie, avec son théâtre de marionnettes Le loup en slip, Antoine ne décolère pas. Il décide d'aller à la réunion publique tenue à l'entrée de la ZAD, afin d'expliquer la vie à ces intégristes de l'environnement. Sophie l'accompagne, tandis qu'elle galère entre sa camionnette en panne et sa toiture qui fuit – l'artisan-couvreur lui a encore posé un lapin. C'est au milieu de ce joli foutoir que débarque en bus la bande d'anarchistes gériatriques « Ni yeux ni maître », emmenés par Pierrot, en soutien des zadistes...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il aura fallu un break de deux ans, à peine comblés par les deux premiers tomes jeunesse du Loup en Slip, pour que les auteurs des Vieux Fourneaux nous livrent la suite des aventures familio-rurales de leur triplettes d'aïeuls anarchistes. Que les fans se contentent : la série est en train d'être adaptée au cinéma (avec Pierre Richard, Eddy Mitchell et Roland Giraud dans les rôles clés), scénarisée par Wilfrid Lupano himself. En attendant, ce 4ème opus poursuit sur sa belle lancée humoristique et sociale, tout en reprenant après une ellipse narrative d'environ... deux ans : la Berthe a ainsi vendu ses terrains à Garan-Servier – ce qui ne garantit pas pour autant l'extension de l'usine. Ainsi la petite Juliette (bébé dans le tome 3) a grandi – elle marche, parle et se gribouille tout le corps avec des feutres. Ainsi nos trois papys réacs sont-ils toujours aussi prompts à s'enguirlander pour des idéologies radicalement opposées – ce qui ne les empêche pas de disputer une partie de pétanque. Et surtout, un grand mystère est enfin dévoilé, au sujet du père de Juliette. Ne manque plus qu'à révéler celui du chaînon manquant entre elle et son grand-père : pourquoi le père, Bernard, reste t-il à distance « mesurée » de sa famille ? En marge de creuser la psychologie de sa clique de personnages attachants, Lupano nous parle aussi de notre ruralité actuelle folklorique : les déserts médicaux, le développement économique compliqué, les zadistes contre le logiciel capitaliste, les lanceurs d'alerte, les arguments parfois dérisoires de la protection environnementale, l'agriculture bio contre la productiviste... Il y a mille trouvailles et pistes de débats jouissivement dialogués dans le Lupano. Et évidemment, tout cela se trouve idéalement véhiculé par le dessin très expressif de Paul Cauuet. Quelques séquences – la réalité revue à travers les fantasmes de Sophie – sont à mourir de rire... Bref, c'est encore dans les vieux fourneaux qu'on fait bouillir les meilleurs crus. Une des meilleures séries à succès de ces dernières années.