L'histoire :
Le marathon est une épreuve phare des Jeux Olympiques. La compétition est toute aussi majestueuse qu'exigeante. Contre toute attente, en 1928, la France représentée par d'honorables athlètes sans grande envergure, va défrayer la chronique sportive grâce à Boughéra El Ouafi, un parfait inconnu méprisé de tous et considéré par tous les protagonistes comme le « petit arabe » de la course. Appelé à compléter une équipe marathonienne française quelque peu à la dérive, Boughéra El Ouafi va pourtant écrire une des plus belles pages sportives françaises avant de sombrer dans l'anonymat et la pauvreté, puis de mourir criblé de balles dans de mystérieuses circonstances. Dans quel état d'esprit l'athlète français est-il parvenu à déjouer les pronostics ? Comment est-il parvenu à vaincre la lassitude, l'épuisement physique et psychique qu'une telle épreuve exige de ceux qui osent s'y frotter ? Boughéra El Ouafi n'a cure de tout cela. Il résiste à tous ces écueils et même à la tentation de vendre sa performance pour réécrire l'Histoire du Sport comme certains seraient tentés de l'y amener. Au travers de sa magnifique performance, Boughéra El Ouafi mène de nombreux combats. Il deviendra le symbole de tout un pays qui ne lui en sera guère reconnaissant ; en le laissant sombrer après qu'il ait tenté de monnayer son talent outre-Atlantique pour une poignée de dollars dans des épreuves de kermesse. Une rétribution qui se fera au détriment de son statut d'amateur pourtant indispensable à la pratique d'un sport olympique...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Marathon s'inscrit plus comme un roman graphique que comme une bande dessinée classique. Le récit tourne autour de l'incroyable performance sportive de Boughéra El Ouafi. Une performance qui aurait dû valoir à son protagoniste tous les honneurs d'une Nation qui ne fera rien pour l'extirper d'un lamentable oubli. Celui-ci étant injustement considéré comme le « petit arabe » de la nation. Au travers de son dessin, Nicolas Debon nous fait revivre cette performance d'il y a un peu moins d'un siècle et nous fait deviner la violence physique, psychique et humaine dans laquelle se déroule cette course hors du commun. Le dessinateur a sans doute utilisé le gros crayon noir pour dessiner les traits et les contours de ses personnages et du paysage et juste ce qu'il faut de couleurs et de gouache pour illustrer ce récit d'un autre temps. L'atmosphère y est parfaitement retranscrite et l'auteur s'est richement documenté dans la presse sportive de l'époque, mais aussi dans différents ouvrages et témoignages pour conter cette performance aussi inattendue qu'inespérée. On regrettera que l'ouvrage ne souligne pas assez l'injuste misère dans laquelle ce sportif de haut niveau a sombré par la suite. Boughéra El Ouafi a trouvé la mort dans la misère et criblé des balles de ceux qui stigmatisaient l'arrivée des Pieds Noirs sur le territoire français. C'est aussi cette partie de l'histoire que personne n'a pu démontrer ou prouver, qui aurait pu donner la pleine mesure de cet incompréhensible méprise dans laquelle Boughéra El Ouafi a été plongé. Certes, la performance sportive signée par ce petit arabe pour la France aurait dû lui valoir tous les honneurs et une autre considération. Mais la France a surtout abandonné un de ses enfants, alors que celui-ci, au travers de sa victoire, lui avait permis de savourer une notoriété que personne ne lui prêtait.
