L'histoire :
A notre époque contemporaine, le Conseil des Dix de Venise, présidé par le 147ème Doge, s’inquiète : depuis quelques jours, la cité lacustre connait un phénomène imprévu d’aqua alta (forte marée provoquant une montée des eaux). Toutes les mesures habituellement prises pour restreindre les crues sont inefficaces. A tel point que madame le maire a été contrainte d’ordonner l’évacuation des touristes. Certains des éminents membres évoquent la réalisation de la 4ème prédiction de Dante Alighieri… malgré le caractère ésotérique de la chose. Pour avancer cela, ils se réfèrent à l’apparition d’une « bête aux mille dents » également évoqué par Dante car, justement, la statue d’un crocodile vient d’être retrouvée immergée par des archéologues. Tandis qu’ils se perdent en analyses et en conjectures, ces sages ignorent que le phénomène trouve un étonnant écho dans le destin de la jeune Marina, sept siècles plus tôt. A cette époque, marina, fille du Doge, est en effet exilée par son père dans un couvent, le temps d’accoucher du bâtard qu’un pirate a enfanté en elle, après l’avoir enlevée. En ce mois de janvier 1345, l’hiver est glacial, la lagune est gelée et Marina avertit la mère supérieure des premières contractions…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Zidrou et Matteo livrent ici la suite et la fin de leur diptyque historique et fantastique prenant pour cadre la ville de Venise à deux époque : en 1345 (principalement) et de nos jours. Bien que dotée d’une personnalité forte et donc attachante, le personnage de Marina, fille honnie du Doge de 1345, n’est qu’un prétexte pour s’intéresser à différentes problématiques de la cité des Doges. La question de la montée des eaux, sporadique et à long terme, est au premier chef (cf. le projet « Mose »), mais aussi la polémique des paquebots géants, contre laquelle le gouvernement italien est aujourd’hui obligé de légiférer. En habile scénariste, Zidrou parvient surtout à relier tout cela à de soi-disantes prédictions du poète Dante Alighieri, à faire une peinture des mœurs rudes du XIVème siècle et à entrainer le récit dans un suspens ésotérique assez bien ficelé, en alternance. La reconstitution historique doit aussi énormément au talent graphique de l’italien Matteo. Son dessin réaliste tout à l’aquarelle se complète pour les premiers plans d’un encrage léger, pour un rendu graphique hors des sentiers battus et tout à fait convaincant. Qu’il s’agisse d’une épique attaque de pirates (p.6), d’une animation hivernale avec traversée de canal sur un pont (p.33) ou de la scène choc finale, quelques cases virtuoses hissent véritablement le dessinateur parmi les tout grands du 9ème art.