L'histoire :
Formidable scène que la ville de Paris, ballet de gens et d'humeurs, de sentiments et de peurs, où les amoureux se croisent et se regardent, où les amants se quittent et se retrouvent, où les générations s'évitent et se séduisent...Tourbillon citadin des possibles au jardin du Luxembourg, dans le métro, à une terrasse de café, sur un passage piéton, dans un hôtel ou un musée... Dans une chambre, la blondinette croit avoir couché, mais n'en est pas sûre : quel est le nom de cet amant d'un soir ? Plus loin, un aveugle se met à draguer une jeune parisienne à qui il demande si elle est belle. Sa voix, en tout cas, lui plait. Mais une pervenche va s'en mêler. Un petit jeune aimerait choper sa nana mais « quand t'as la meuf, t'as pas le local, et si t'as le local, t'as pas la meuf »... Dans le métro, un homme tient un bouquet de fleurs qu'il souhaite offrir à la fille assise en face de lui, car celle-ci n'arrête pas de le mater. Ni une ni deux, il sort du wagon à la même station qu'elle, puis l'accoste à la sortie : il la drague, mais elle est mariée. Pas grave, après quelques palabres, la fille lui propose finalement un petit coup pour le soir, son mari n'étant pas là. Il faut juste lui laisser le temps de coucher les enfants ! Ailleurs, un timide drague une fille gentille car elle, au moins, si elle lui met un vent, le fera avec gentillesse. Vieux couples, amants adultères, jeunes passionnés, tourtereaux, quadras et quinquas, les amoureux de Paris se draguent et se fuient en une délicieuse et sensuelle chorégraphie...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après l'excellent Blessures d'Amour Propre qui signait son retour en 2009, Martin Veyron récidive avec un marivaudeville exquis, sorte de comédie légère, burlesque et élégante dans un Paris au parfum de nostalgie. Dans cette ronde urbaine délicieusement galante, doucement cynique et furieusement drôle, Veyron délaisse la narration classique pour lui préférer un plan-séquence étourdissant, savant mélange de situations cocasses, d'intrigues légères et de quiproquos savoureux, rythmé par les digressions maîtrisées d'un narrateur hors-pair. Avec un sens de l'humour imparable et un talent d'observateur plus qu'aiguisé, Veyron dissèque les aléas de l'amour, analyse les jeux de séduction et parvient in fine à capter l'esprit de notre temps. Formidable de justesse, de légèreté et de drôlerie : on rit, on sourit, on se délecte de cette comédie bercée d'une douce mélancolie, remarquable de lucidité. Une nouvelle fois, l'auteur est au sommet de sa forme. Les couleurs guillerettes et chaleureuses, quant à elles, couplées à un dessin simple et efficace, ajoutent à l'ambiance primesautière de ce ballet amoureux un brin désenchanté. Bref, on termine la lecture joyeux, car Veyron a su nous enchanter avec son jeu de l'amour et du hasard teinté de spleen citadin. A l'image d'un grand crû qui aurait bien vieilli, Veyron se bonifie avec le temps. Superbe.