L'histoire :
Le jeune empereur Néron apprend qu’Acté, son ancienne favorite, est devenue la maîtresse de Lucius Murena, fidèle et membre de sa cours. Or, ce que l’empereur (le semblable d’un dieu !) a touché, ne peut profiter à un simple mortel, sans qu’il l’ait publiquement autorisé. Aussitôt, Néron intervient et retire Acté des bras de Murena, pour la donner en mariage à l’un de ses centurions sur le départ pour les Gaules. A l’image de cette décision, l’ambition de l’empereur pour Rome se fait alors dangereusement emphatique. Tandis que l’intriguant Tigellin devient amant de l’impératrice Popée, Sénèque, sénateur et mentor de Néron, se retire de la vie politique. Murena apprend alors le rôle de Poppée et de sa servante Arsilia, dans la sadique décision qui lui ravit Acté. En rage, il fait avouer Arsilia, son ancienne maîtresse, puis la tue et abandonne sa tête décapitée ! Dans le même temps, Néron cherche l’identité de la victorieuse cochère masquée qui l’a battu lors d’une course de chars. Il est indispensable de venger l’affront qu’elle lui fit en l’humiliant devant son peuple. Il charge Massam, ancien gladiateur et homme de main du couple impérial, de délier les langues, avec toute la cruauté dont ce dernier sait user. Mortellement blessé par Balba, l’ancien esclave numide affranchi par Britannicus (feu le demi-frère de Néron), Massam parvient néanmoins à livrer ses informations à Popée : la cochère masquée est une amie de Balba, lui-même ami de Murena. Ignorant qu’il déclenche désormais les foudres impériales, Murena abandonne son ami Pétrone, pour partir en Gaule. A la recherche de sa dulcinée à travers les paysages enneigés, il est accompagné de Balba et d’Evix, la gauloise masquée…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
De toutes les séries de Jean Dufaux, Murena est sans doute la plus accomplie, la plus didactique, la plus passionnante, la plus… Bref, à l’image des précédents volumes, ce sixième opus (quasiment pas romancé) mérite à nouveau tous les superlatifs. Sans doute, cet épisode est-il aussi le plus sombre de tous, sans rien retirer à ces qualités. Cette fois, Dufaux n’hésite à sonder plus profond encore dans les travers de l’humanité, à tous points de vue : mœurs, souillure, sexe, sang… Emporté par la rage et la passion Lucius Murena lui-même se transforme en meurtrier, et ce, de manière relativement sauvage : il poignarde une esclave puis la décapite. Cet acte qui peut surprendre, illustre pourtant adroitement le paradoxe de cette société apparemment civilisé, qui se livre de manière relativement triviale à la barbarie (et encore, Dufaux avoue qu’en réalité, ce fut sans doute pire !). Comme pour chaque tome de cette extraordinaire saga, Philippe Delaby pousse son dessin à un degré de précision inouï. Mais où s’arrêtera t-il ? D’un réalisme affolant, son trait est assurément l’un des plus « aboutis » du 9e art. C’est bien simple : décors, personnages, costumes, proportions, profondeurs, scènes intimistes ou spectaculaires, tout semble parfait. Côté ambiance, le récit est cette fois découpé en deux parties distinctes. Primo, on retrouve la Rome des précédents épisodes, avec ses complots de palais et son aimable météo. Dans un second temps, Murena part en Gaule, avec un final aux accents « thorgaliens ». Cela se ressent côté couleurs : les teintes « froides » (blanc, gris, bleu) succèdent aux habituels tons chauds, méditerranéens (ocre, carmin, pourpre). A ce sujet, la colorisation réalisée manuellement à l’aquarelle par Jérémy Petiqueux, est exemplaire, alors que le jeune homme n’est qu’étudiant en seconde année des beaux arts… Il y a de pires manières de commencer une carrière ! Une série didactique, sublime et indispensable !
A noter : un tirage limité de cette édition (avec une autre couverture, tout aussi époustouflante de réalisme) comprend un DVD collector : 52 minutes de coulisses de la création, commentées par les auteurs.