L'histoire :
Dans le village de Dave Rivage, un chat roux se promène. Il passe près d’une maison. Par la fenêtre, on devine une silhouette féminine en train d’écrire sur un bureau. Le chat continue son périple et arrive près d’une rivière. Un père et son fils sont installés. L’homme le plus âgé caresse l’animal et lui parle, mais il est rappelé à l’ordre par le plus jeune, allongé à terre, avec un appareil photo à la main. Il veut photographier la vie sauvage, mais avec tout le bruit que fait son père, les animaux vont prendre peur, ils entendent tout. En amont de la rivière, un oiseau s’élance dans le ciel et survole une maison couleur brique. A l’intérieur, une jeune femme aux cheveux bleus cherche dans sa commode un soutien-gorge de sport. Son amie, juste derrière, enlève le sien pour lui prêter, elle n’en a pas vraiment besoin. Le temps de cet échange de sous-vêtements, la tension change dans la pièce. L’une et l’autre se rapprochent et s’enlacent. Près de l’eau, le père abandonne son fils, il a du travail, il doit rentrer à la maison pour corriger des copies, mais il repousse sans cesse l’échéance. En remontant la rue, il aperçoit la jeune femme à sa fenêtre. Elle se lève de son bureau, se dirige vers son armoire et se déshabille. L’homme s’immobilise et regarde la scène et les ombres chinoises d’un air distrait, avec un léger sourire sur le visage. Il est sorti de sa rêverie par l’homme qui habite l’appartement du dessous, posté à sa fenêtre. Il le met en garde contre les torticolis. Et le père reprend son chemin, gêné. Le vieil homme à la fenêtre, quant à lui, est sur le point de passer un appel qu’il repousse régulièrement, mais il n’y arrive pas. Une certaine Nicole n’arrête pas de lui téléphoner.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le scénariste Zabus collabore cette fois avec Nicoby au dessin. Les deux auteurs mélangent leurs styles pour proposer un titre poétique qui met en lumière des destins amoureux croisés. Le lecteur suit trois couples de personnages, humains, de différentes générations. Les protagonistes se croisent dans les rues du village et interagissent, mais ils ont chacun leur propre façon d’exprimer leurs sentiments amoureux et de les ressentir. Parallèlement à ces émois qu’ils vont chacun expérimenter, ils mènent une vie quotidienne qui nous ressemble, faite de petits soucis et de gros tracas. Cette façon de raconter les histoires croisées peut paraître banale. Pourtant, le scénariste a fait un choix audacieux : nous découvrons ces interactions par le truchement des animaux. Ceux que l’on croise aux détours d’une rue ou d’une rivière. Ces animaux, petits ou grands, sont les témoins privilégiés de la vie humaine, et ils assistent chaque jour à de nouveaux rebondissements, qu’ils transmettent à la grenouille en chef. Celle-ci répertorie les faits et gestes des humains chaque soir. De vraies commères ! Mais derrière cet intérêt pour la vie humaine, les animaux sont surtout abasourdis que les Hommes ne se préoccupent pas plus de la catastrophe qui guette… Le procédé narratif apporte de la fraîcheur et permet au lecteur de prendre de la hauteur sur son propre quotidien. Les personnages sont attachants, même s’il faut un petit temps d’adaptation pour plonger dans le récit et en saisir les enjeux. Lorsqu'on comprend, il est même intéressant de revenir en arrière, pour observer où se cachent les animaux à l’affût. Côté graphisme, le style est simple et efficace, à l’image des vies racontées.