L'histoire :
En août 1935, Huck Finn traverse en train les grandes plaines des USA, à destination de sa ville natale, Morgan City. Assis sur un cercueil solidement amarré à un wagon, il se remémore les bons moments passés en compagnie de son ami Charley, reposant dès lors sous ses fesses. Quelques semaines avant de rencontrer ce dernier, Huck était très lié à son frère Tom, tous deux souffre-douleurs de leur paternel, Joe Finn alias « Tape-dur ». A l’époque, Joe gagne sa vie en distillant et trafiquant un mauvais alcool, appelé l’« oubliette » en raison de sa propension à détruire la santé de ses adeptes. Dans ce contexte sordide, une nuit, Huck aide Tom à s’enfuir dans une barque pourrie en compagnie de sa fiancée… et il assiste à son naufrage, fatal. Rongé de remords, Huck rentre chez lui pour découvrir que son père a coupé la tête d’un comparse à coups de hache. Avant d’être arrêté par le shérif, le vieux fuit et Huck se retrouve placé chez Mortimer Denis, un éleveur de poissons-chats qui n’a jamais eu d’enfant. Dès lors, Huck mène la vie dur à ses précepteurs le jour, et fugue la nuit pour traîner dans les « juke-joints », sortes de saloons remplis de nègres qui jouent du blues. Totalement subjugué par cette musique et ces ambiances, il fait alors la rencontre de Charley Williams, employé de son père adoptif, un nègre aussi doué pour flemmarder au travail que pour maltraiter sa guitare…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans le premier tome de cette trilogie en forme de road-movie, prenant pour cadre l’Amérique sudiste et ségrégationniste des années 30, tout commence et se termine sur un train. Mais c’est bel et bien en barque et en radeau que nos deux héros mettent le cap sur la Californie. En ce sens, le fleuve Mississipi joue un rôle prépondérant dans leur parcours initiatique. Mais pas que ! Les grands espaces, l’époque du blues et de la prohibition, l’appel de la liberté… Les auteurs, tous deux amoureux des USA, exploitent le son du bluesman Robert Johnson, ainsi que l’ambiance et les ingrédients des romans de John Steinbeck (Les raisins de la colère) et de Marc Twain (Tom Sawyer). A la charge du scénariste Philipe Thirault, cette aventure est majoritairement et très librement adaptée d’une autre œuvre de ce dernier écrivain, Huckleberry Finn. Le jeune héros, Huck, en est directement tiré, le personnage de Charley est un ersatz du Jim original, et on retrouve nombre d’épisodes empruntés au roman (le juge Thatcher, la planque sur l’île, la maison flottante, le macchabé à l’intérieur…). Ce choix n’a guère de mystère : le scénariste a déjà livré quelques sympathiques westerns en BD (Lucy, La fille du Yukon, Mille visages) tandis que Steve Cuzor a longtemps hésité entre une carrière de dessinateur et de champion de rodéo (il est d’ailleurs resté 4 ans au Texas pour dresser des chevaux !). Cette passion commune se cristallise aujourd’hui à travers une épopée captivante et élégante, réalisée avec professionnalisme et talent. Car une nouvelle fois, il n’y a pas grand chose à reprocher aux planches de Cuzor ! La couverture est très accrocheuse, les encrages réalistes crèvent les planches, au sein de cadrages et d’un découpage impeccables. Un joli boulot, qui saura séduire plus d’un lecteur…