L'histoire :
A l’entrée des gorges de l’Ardèche, un ours met en fuite deux loups dévorant une proie. Il dévore les restes et ramène une cuisse dans sa gueule vers sa grotte, qui surplombe la rivière. La grotte est profonde et comporte de nombreuses peintures humaines sur les murs. L’ours s’endort en-dessous d’une peinture rupestre représentant… une ourse. Au moment où il s’endort, son âme s’élève au-dessus des collines. Bien avant cela, des chasseurs sont sur la piste de rennes. Yul en tue un de sa lance, mais alors que tous les chasseurs sont concentrés, la jeune Sasso les interrompt en criant que la compagne de Yul est en train d’accoucher. Le chasseur la gronde et commence la découpe du cervidé. Il plonge ses mains dans son ventre, trace des traits de sang sur son visage, sort le cœur de l’animal, le présente aux cieux puis croque dedans. Yul donne enfin une dent de renne à la petite Sasso, et les chasseurs encouragent l’esprit du renne à s’envoler. Yul part ensuite en courant pour assister à l’accouchement de sa femme. Ce sera une fille, Ellé.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les peintures rupestres des premiers hommes sont mises à l’honneur sur plusieurs sites remarquables en France, de Lascaux à la récente grotte Cosquer. La grotte Chauvet en Ardèche, site difficile d’accès, fait l’objet d’une réplique à quelques kilomètres du site orignal. C’est autour de cette grotte que se déroule la vie d’Ellé, de sa naissance à sa mort. C’est un prétexte romancé par Stéphane Grolleau pour présenter une étude sur l’art pariétal et sur ces micro-sociétés de chasseurs-cueilleurs. Il s’est appuyé sur des travaux récents pour déconstruire certains clichés sur les premiers homo-sapiens, sur la place de la femme surtout dans les tribus. Marlène Patou-Mathis, directrice de recherche émérite au CNRS, préfacière de cet album, explique que les rapports sociaux entre les sexes étaient alors bien plus équilibrés qu’ils nous ont été présentés jusqu’alors. Le propos est documenté, donc, l’histoire fascinante. Le dessin est au centre de l’histoire de ces femmes et ces hommes nomades, à la fois voyageurs et habitant leur milieu, proies et chasseurs. Toutes les inconnues de leurs vies sont des esprits, des images qui s’offrent à leur imagination et qu’ils dessinent par terre, dans la neige, sur les murs des grottes. Anna Conzatti offre à son compère un dessin simple, rond, tout en générosité et en bienveillance. Le scénariste expérimenté de Sur les ailes du monde, Audubon, ou de la récente série Menji, remercie en postface sa camarade pour cette bienveillance, mais lui-même lui a accordé dans son séquençage une large part de récit sans dialogues, des pages muettes mais joliment expressives. Cette complicité produit un bel album, intelligent et agréable à lire, sur la place de l’Homme dans le monde, et sur la place du dessin dans sa vie.
