L'histoire :
Sur l’île de Chypre, en des temps antiques. Le vieil Anthéos vient de seller l’accord de mariage de son fils Pygmalion avec Agapé, la fille de son sympatoche voisin Bolos. Or si Agapé est effectivement éperdument amoureuse de Pygmalion, le jeune homme n’a aucunement envie de se marier, avec qui que ce soit. Et notamment pas avec cette jeune femme, certes affable à son endroit, mais un peu enrobée, disgracieuse et pot-de-colle. A vrai dire, Pygmalion a pour obsession de se vouer entièrement à son art de la sculpture, sous l’égide de son maître Copias. Anthéos tente une nouvelle fois de convaincre son fils des bienfaits (pécuniaires !) de ce mariage. Pour lui parler entre hommes, il l’emmène sur la mer, alors même que les propétides – les prostituées sacrées de la cité – ne l’ont pas autorisé. Pour cette incartade, Poséidon, dieu des mers, envoie un monstre marin attaquer l’embarcation. Après avoir broyé le navire, le dragon des mers ne fait qu’une bouchée d’Anthéos et laisse Pygmalion inconscient. Le jeune chypriote reste alors endormi trois jours, durant lesquels il est soigné avec tendresse par Agapé. En rêve, il voit son père sur le Styx ; et la déesse Aphrodite qui paie son obole à Charon, afin qu’Anthéos puisse entrer au pays des morts. Aphrodite est d’une telle beauté… À son réveil, Pygmalion est obnubilé par l’idée d’en sculpter la plus belle des représentations. Il demande à Agapé de lui servir de modèle… mais ça n’est pas du tout convaincant…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après avoir réalisé les diptyques La gloire d’Era et Tiresias avec Christian Rossi au dessin, le scénariste Serge le tendre s’allie au dessinateur Frédéric Peynet pour livrer un nouvel épisode de la mythologie grecque. Et c’est tout aussi convaincant ! À l’origine, le mythe de Pygmalion a été relaté par le poète Ovide dans ses Métamorphoses. Dans le mythe comme dans cet album, un jeune sculpteur tombe amoureux de la statue qu’il a sculptée, avec la complicité de la déesse Aphrodite. A la base, le propos métaphorique est de dénoncer les mœurs dépravées des propétides (de puissantes prêtresses et prostituées), par contraste avec la fidélité d’une statue. Le dévouement et le talent du sculpteur sont alors récompensés par la grâce de l’amour absolu. Dans son scénario, Le Tendre n’insiste pas trop sur l’aspect dépravé des mœurs, mais sa relecture n’en est pas moins convaincante, idéalement rythmée, pleine d’enseignements et très plaisante à suivre. En outre, le chevronné scénariste sait y faire pour ajouter de la truculence afin de désacraliser le pontifiant du lyrisme (sacrés chiens errants…). Cette version offre surtout un sublime terrain d’expression aux crayons de Frédéric Peynet, qui fournit de magnifiques tableaux de la Chypre antique et des aventures mythologiques de ses divinités. Sur un marché animé, une bagarre de taverne, un coucher de soleil, une attaque de dragon, des scènes voluptueuses, ou la vision sculpturale d’une aphrodite resplendissante de beauté pure, on est franchement sous le charme !
