L'histoire :
En 1831, au temps des Indes britanniques, Alexander Martin est un nouvel agent envoyé par Londres pour intégrer l’Indian Political Service. A l’époque, l’IPS est chargé d’aider la Compagnie des Indes à développer ses affaires, soit également d’empêcher la mainmise des autres puissances. Cependant les indiens commencent à se méfier des sahibs (les européens) et le temps des nababs est révolu. Idéaliste anti colonialiste, Alexander ne porte pas franchement dans on cœur les mentalités impérialistes de sa hiérarchie. Dès les premiers jours, il peine à s’intégrer parmi les autres officiers. Un journaliste, David Baltimore, sympathise néanmoins avec lui et lui explique les mœurs en usage. Quelques jours plus tard, à Bombay durant la fête des serpents, Baltimore est retrouvé inerte dans un cimetière de la ville noire, a priori piqué par un cobra. Puis il disparait totalement dans les jours qui suivent. Or, l’ICS (Indian Civil Service) met la plus mauvaise volonté du monde à le rechercher. Dès lors, l’IPS charge Alexander de mener l’enquête, en compagnie d’un autre agent, Sir Longfellow. Il leur est alors demandé de faire leur possible pour incriminer le capitaine de la concurrente compagnie portugaise…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il n’est pas courant de voir un vétéran du 9e art remettre entièrement en question son propre style graphique. C’est pourtant ce que vient de faire Didier Conrad, avec succès, dans ce premier volet de Raj (sur deux prévus). Prenant pour décor l’Inde mystérieuse au temps du colonialisme, le trait de Conrad se rapproche de la fameuse ligne claire chère à Hergé. On retrouve cependant par moment des bribes de « style Conrad », plus débridé (ex : p.33, la dispute entre Ayesha et Pritti). Quoi qu’il en soit, l’artiste fait montre d’un sacré talent, qu’on ne lui conteste de toutes façons pas, au bout de presque 30 albums. Côté récit, il nous est donné de pester contre la corruption et les mentalités impérialistes de l’Inde sous occupation britannique. Mais le procès du colonialisme n’est pas entièrement le cœur du propos. Le scénario de Conrad et Wilbur (Madame Conrad à la ville) vise plus à développer la personnalité idéaliste d’un nouvel héros et à retrouver le suspens des aventures « à la » Tintin. Le duo d’auteurs y parviendrait presque… si l’intrigue n’était pour le moment aussi décousue. En effet, d’une part, on retrouve un peu l’écueil de Tigresse blanche, à savoir un ton sérieux d’espionnage qui ne parvient pas à se débarrasser entièrement d’une forme de légèreté « décrédibilisante ». D’autre part, l’opacité des desseins des personnages et la soudaineté des ellipses n’aident pas à comprendre pleinement la trame de cet épisode d’exposition. Attendons donc de lire le second volet du diptyque, un gentilhomme oriental…