L'histoire :
Salim, un jeune garçon, a grandi en Algérie à la fin des années 70. Il habitait dans un bel immeuble moderne, en forme d'arc de cercle, pour bénéficier au mieux de la lumière du soleil, construit en même temps que les bâtiments des jeux méditerranéens de 1975. Un caprice du président Houari Boumediene qui avait pris le pouvoir lors d'un coup d'état dix ans plus tôt. Les parents de Salim étaient un couple de la classe moyenne, relativement privilégiés pour pouvoir obtenir un logement dans ce bel immeuble. La vie était tranquille dans un bel espace entouré de terrains de jeu. A l'époque, le meilleur ami du jeune garçon est Lyes, fils d'un algérien et d'une allemande de l'Est, avec des cheveux blonds et une coupe aussi sage que celle de Selim. Les habitants des quartier proches appellent ceux qui vivent dans ce beau bâtiment moderne les « Rwamas », c'est à dire les français. En face, il y a la cité CNS, construite à l'époque de la présence française. Ses 6 barres d'immeubles abritent désormais des familles plus nombreuses, les garçons passant beaucoup de temps dehors à regarder en contrebas les Rwamas. Avec les années et à mesure que Selim grandit, les relations se tendent avec ceux du dessus qu'ils appellent les voyous. Les provocations se multiplient, les bagarres et les jets de pierre. Comme dans la société algérienne au sens large. Paupérisée, rationnée par un régime riche mais corrompu, qui va voir monter l'islamisme radical et donner naissance au Front Islamique du Salut.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En racontant son enfance dans une société algérienne qui se décompose littéralement, Salim Zerrouki a un regard à la fois gentiment nostalgique et plein d'un humour fataliste. Il parle des frustrations de son enfance d'enfant privilégié, mais pas riche pour autant, de l'autorité de son père, des enfants de son âge qu'il observe et qui vont prendre des directions différentes. L'immeuble où ils vivent est une sorte de personnage symbolique d'un pays fier qui ne parvient pas à atteindre le statut qu'il espère et qui, au contraire, se désagrège petit à petit. Les défaillances de l'état et la manière dont le FIS va devenir un recours naturel sont très bien décrites, sans complaisance, mais en faisant clairement porter la responsabilité sur les gouvernements ignorants des besoins fondamentaux de leur population. Ce premier volume est instructif, immersif sans en faire trop, plein de petites anecdotes légères qui évitent toute leçon de morale. Salim Zerrouki réussit l'exercice en trouvant un ton actuel, et en racontant sans en avoir l'air les effets délétères d'un système politique gangréné par la corruption.