L'histoire :
Ralph enlève ses vêtements et ses chaussures, pour plonger dans l'étang qu'il vient de découvrir. Il ne pense à rien d'autre qu'à ce bain inespéré. Mais très vite, un garçon à peine plus âgé que lui, lunettes sur les yeux et cravate sous son pull très sage, le ramène à la réalité. Ils sont rescapés d'un avion en feu qui s'est écrasé, ils pensent qu'ils sont sur une île. En découvrant sur la plage une conque, ils soufflent dans l'énorme coquillage et le son envahit la plage. Très vite, des groupes d'enfants approchent, ils sont des dizaines à avoir survécu. Ralph et son ami Cochonnet – c'est le surnom qu'il a eu la maladresse de révéler à son nouveau copain – deviennent le centre de l'attention. Jusqu`a l'arrivée d'un autre groupe, une chorale en uniforme avec, à leur tête, un enfant plus âgé. Jack Merridew, de toute évidence, se sent l'âme d'un leader et voit Ralph d'un mauvais œil. Mais malgré tout, les enfants s'organisent. Il n'y a aucun adulte, alors les plus grands tentent de canaliser les plus petits, qui jouent de manière insouciance ou se chamaillent. Un chef est élu à main levé : ce sera Ralph. Mais Jack n'a pas dit son dernier mot. Ils partent explorer les environs, ramasser des branches pour construire des abris près des arbres fruitiers. Les cochons sauvages pullulent visiblement sur l'île, Jack prendra la tête d'un groupe de chasseurs. Et on va allumer un feu en haut d'une butte pour être repérables des bateaux qui passeraient au large. Or petit à petit, tout va se dérégler, vers un premier drame.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Aimée de Jongh plonge dans cette adaptation libre du roman de William Golding avec une aisance étonnante. Dès les premières pages, on devine qu'elle s'est profondément approprié cette histoire et ses dimensions complexes. On apprend dans la postface qu'il s'agit d'une lecture marquante de sa jeunesse en cours d'anglais, une version originale où elle est allée piocher des morceaux de textes qui traversent l'album. Avec un sens aigu de la mise en page et un équilibre parfait entre scènes dialoguées et plans silencieux, elle nous plonge sans recul possible dans cette histoire incroyable d'un groupe d'enfants échoués sur une île. La montée en tension est parfaitement dosée, les instincts primaires et la cruauté gratuite se glissent dans les regards de ses personnages avant les premières scènes de violence. Les quelques 300 pages au format presque carré se dévorent. Des images fortes des paysages de l'île ou de la folie des personnages marquent l'esprit. Le talent de l'autrice néerlandaise est imparable et presque habité. Le style enfantin qu'elle adopte pour ce livre – elle nous a habitués à changer de patte graphique quasiment à chaque album – est remarquablement judicieux pour créer ce contraste entre l'innocence de l'enfance et la dureté des actes. Après le succès de Jours de Sable, Aimée de Jongh signe un nouveau bijou narratif dont la pure qualité plaira autant aux amateurs éclairés qu'aux lecteurs de BD occasionnels. Le talent, on vous dit !